«Sinon la plus belle, c'est en tout cas la seule loge protégée de Suisse!» C'est en toute humilité que l'architecte de la rénovation de la loge franc-maçonne chaux-de-fonnière de l'Amitié, Pierre Debrot, commentait hier à l'apéro de circonstance le prix qui venait d'être remis à son «vénérable», ou président, Michel Cugnet.
Mais quel prix? Celui de la conservation du patrimoine 2010, décerné par la Conférence suisse des conservatrices et conservateurs des monuments. C'est celui du canton du Valais, Renaud Bucher, qui a tendu le diplôme - le prix est symbolique - en saluant «une réalisation exemplaire de mise en valeur du patrimoine». Le monument chaux-de-fonnier partage cet honneur avec quatre autres rénovations de qualité, dont celle d'un musée régional à Sursee (Lucerne) et de l'ancien arsenal de Trogen (Appenzell). Mais - fait unique depuis trois ans que le prix existe - il récompense pour la seconde fois un monument chaux-de-fonnier, après la Maison blanche du futur Le Corbusier en 2008.
La rénovation de la loge datant de 1845 a été complète (l'extérieur en 2005 et l'intérieur en 2007). Le monument a été réinauguré en automne 2008 (notre édition du 30 septembre). Pour le conservateur des monuments et sites neuchâtelois Jacques Bujard, c'est le cas exemplaire d'un témoin du milieu du 19e siècle parfaitement remis en valeur qui est distingué. En particulier grâce au temple de la loge, décoré comme une scène de théâtre. Ce qui a fait dire au conservateur que le décor d'une saison y dure maintenant depuis plus de 150 ans...
Le temple brille (grâce à un éclairage programmé modulable) en effet sous une voûte constellée d'étoiles, ceint de tentures en trompe-l'il, de colonnades ou pilastres en carton avec la représentation de saint Jean Baptiste, patron des francs-maçons, du roi Salomon, de Diane chasseresse... Variété et fragilité, a souligné le restaurateur d'art landeronnais Michel Muttner, qui a travaillé avec sa femme Elisabeth une longue année à la réfection minutieuse de ce décor.
La rénovation a coûté un peu plus d'un million, largement rassemblé grâce à l'inscription du temple à la liste des monuments d'importance cantonale et nationale. Doublement heureux donc, les 51 francs-maçons de la loge chaux-de-fonnière pourront d'autant plus sereinement uvrer pour leur idéal: tailler chacun leur pierre à insérer dans le temple de l'humanité. Une humanité de liberté, d'égalité et de fraternité, comme déjà au temps des bâtisseurs de cathédrales. /RON