Qualifiant lui-même sa démarche d'autofiction, il fait aussi apparaître dans tous ses films un ami palestinien auquel il téléphone régulièrement pour prendre de ses nouvelles. Ce qu'il faut savoir, c'est que cet ami n'a hélas rien de fictif, il existe bel et bien et vit reclus par la force des choses dans les territoires occupés. A ce stade, il importe aussi de préciser que notre cinéaste est un antisioniste convaincu, mais qu'il soutient sans aucune ambiguïté le droit à l'existence de l'Etat d'Israël. A l'exemple de Nanni Moretti, Mograbi filme une manière de journal intime qui menace toujours d'imploser sous la pression des circonstances extérieures.
C'est en 1997 que Mograbi a mis au point sa tactique souveraine. Dans «Comment j'ai appris à surmonter ma peur et à aimer Sharon», il se met en scène comme un cinéaste de gauche succombant peu à peu au charisme indéniable du responsable des massacres de Sabra et Chatila.
Bouffon ironique, Mograbi la joue encore plus désespérée avec «Pour un seul de mes deux yeux». Tout en conversant au téléphone avec l'ami palestinien (toujours plus accablé), il nous confronte à un montage inouï d'images qu'il a collectées dans les territoires occupés pendant la seconde Intifada. Il atteste aussi de la culture de mort qui semble avoir gangrené l'esprit des uns et des autres, comme le montre la scène inoubliable où des guides touristiques font rejouer à de jeunes visiteurs le suicide héroïque et collectif de Massada. Pour mémoire, c'est là que Samson se sacrifia pour la cause en entraînant les Philistins dans la mort. Aussi volubiles soient-ils, ces guides ne font jamais le lien avec les attentats-suicides perpétrés par les Palestiniens Indispensable! / VAD
Neuchâtel, Apollo 3; 1h40; dès dimanche 18 juin; La Chaux-de-Fonds, ABC, dès mercredi 21 juin