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«L'écoute écologique de la musique»

Du Club 44 à la Salle de musique, du Temple allemand à l'Usine électrique, Salvatore Sciarrino multiplie les déplacements cette semaine à La Chaux-de-Fonds. Mais le compositeur invité des Amplitudes 07 sait, aussi, marquer une pause. Rencontre.

12 mai 2007, 12:00

Votre musique frappe par ses contrastes entre intensité et silence... On part de l'idée que ma musique utilise plus le silence que les autres musiques. Ce qu'on peut dire, c'est que le son tend au silence, ce qui requiert une attention plus forte, plus profonde aussi. Elle ouvre une perspective autre, celle de l'écoute «écologique», comme je l'appelle, de la vie ou de la musique. Cette écoute nous place au centre du monde de la perception sonore. Quand, par exemple, on entend une respiration, la sensation est ambiguë pour l'auditeur: il ne sait pas si c'est l'interprète ou l'instrument qui respire, ou si c'est lui qui écoute. Ma musique propose une esthétique, un style, mais c'est aussi une expérience d'écoute très différente de celle de la musique traditionnelle. «Qu'est-ce que j'entends?» Pour moi, c'est une question philosophique, qui synthétise des questions vitales. «Si pas maintenant, quand?» «Si pas ici, où?», «Sinon toi, qui?» interrogent les premières pièces de mon «Carnet de route».

L'emploi du terme écologique peut surprendre... Cette expérience particulière d'écoute, cette sensibilisation de l'auditeur s'inscrit dans une perspective écologique, un terme qui j'utilise depuis 20 ans, car j'ai toujours cherché à lier tous les aspects de notre expérience humaine. Dans les années 1950-60 l'esthétique de la musique contemporaine s'est coupée des sons de la vie, de la réalité. Ma vie durant, j'ai lutté contre ce modernisme-là, contre une utilisation de la technologie sans rapport avec la psychologie, les mécanismes du langage, la nature.

Vous vivez un peu en retrait, une condition nécessaire à la création? Dire que je me suis isolé est un peu exagéré. Je ne vis pas à Paris, mais on me rend visite! Il est vrai qu'il y a un côté ascétique dans ma personnalité, mais l'enjeu dépasse le cas personnel. Si on ne comprend pas qu'une partie de la méthodologie de la composition requiert l'isolement et le silence, on ne comprend pas ce qu'est un compositeur. Il est nécessaire de se retirer dans sa chambre, c'est le lieu de la réflexion. Qu'est-ce qu'on produit? Il y a le fruit de l'action et le fruit de l'analyse., de la critique. Les allers-retours entre les deux sont indispensables.

Quels sont les enjeux de «L?intonation de la mer», une pièce pour 100 flûtes et 100 saxophones qu?on entendra ce soir? On peut voir cette expérience sous différents angles. Tout d'abord, il y a la constitution d'un orchestre qui réduit la famille traditionnelle de l'orchestre symphonique tout en multipliant les instruments. Ensuite, ce concert fait converger deux perspectives: celle d'un concert où l'on écoute les sons comme s'ils étaient les bruits de la vie, celle d'un lieu ouvert où l'on écoute les bruits naturels comme si c'était un concert. Chaque son est très discret, mais l'ensemble de tous ces sons devient puissant comme un fleuve. Avec un peu plus d'intensité, de présence, l'individu peut changer tout l'ensemble. Il s'instaure un rapport entre masse et individu et ce rapport implique une grande responsabilisation. Enfin, il y a une intention didactique. Ce concert offre à de jeunes musiciens en formation la possibilité d'accéder directement au langage de la musique contemporaine. / DBO

es Amplitudes aujourd?hui à La Chaux-de-Fonds: projection de «Caprices» à 16h à l?ABC; «Histoire épouvantable» à 20h30 au Théâtre populaire romand; «L?intonation de la mer» à 22h30 à l?Usine électrique
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