Près de son père, Emilie n'a pas 8 ans lorsqu'elle sourit timidement à l'objectif du photographe. «La petite Mimi», comme on l'appelait alors, en a 95 aujourd'hui. Et c'est du Zimbabwe qu'elle a contacté les rédacteurs de L'Impartial la semaine dernière, dans l'espoir de retrouver les membres de sa famille en Suisse. Il n'aura fallu que quelques heures pour que l'avis de recherche, diffusé dans nos pages vendredi, retienne l'attention de Pierre-Henri Jeanneret... son petit cousin, de 18 ans son cadet.
«Ma grand-mère Adèle était la s?ur de Pierre, le père d'Emilie», a-t-il expliqué. A grand renfort d'arbre généalogique, de précieuses photographies de famille, du carnet de notes d'Adèle et surtout, des souvenirs du petit cousin Pierre-Henri, il a été possible de retracer l'histoire de famille d'Emilie, née en 1912 au Mozambique.
Né en 1867 à La Chaux-de-Fonds, son père Pierre Loze, fils d'Eugène, fabricant d'horlogerie, devait consacrer 54 ans de sa vie à la carrière missionnaire en Afrique.
Après des études de théologie à Neuchâtel et une rapide initiation médicale à Londres, il partait pour le Mozambique en 1893, le jour même de son mariage, sitôt fini le repas de noces. Le voyage durait deux mois. C'était l'époque des guerres coloniales, dont les nouveaux arrivés devaient bientôt subir les contrecoups pleins d'angoisses et de périls. Son épouse, Fanny L'Eplattenier, décédait hélas en mer, au cours d'un de leurs voyages, en 1909.
Remarié l'année suivante avec Louizita Molina, une enseignante portugaise de la Mission, Pierre Loze vit naître de cette seconde union deux filles, Emilie, en 1912, puis Jany, en 1917 au cours d'un séjour de la famille à Neuchâtel.
Durant ces 54 années, Pierre Loze revint cinq fois en Suisse pour des séjours de vacances, le dernier datant de 1931. A cette époque, le missionnaire, âgé de 64 ans, aurait pu faire valoir son droit à la retraite mais il choisit de poursuivre son action en Rhodésie du sud, devenue en 1980 le Zimbabwe, où sa fille Emilie vit toujours aujourd'hui.
Dès son arrivée, il entreprit, pour mieux prêcher, d'étudier la langue du pays, le chichanga. Après avoir consacré ses dernières forces à traduire l'entier du «Nouveau Testament», Pierre Loze décédait, à l'âge de 80 ans, à Umtali, toujours en Rhodésie.
L'histoire d'une famille... Près d'un siècle s'est écoulé entre la photographie ci-dessus et le courrier de «la petite Mimi». /syb