«Nous avons été réveillés tous les vendredis et samedis soir par des hurlements de kangourous sauvages», a joliment lancé une mère de famille. De nuit, la rue piétonne à l'essai a bien l'air d'avoir servi de défouloir bête et bruyant: lancer du javelot avec les tuteurs des arbres en pot, punching-ball contre les panneaux d'affiches, tirs au panier sur les poubelles avec des canettes de bière vides. La chute d'un des supports - 600 kilos - a même explosé aux oreilles des voisins.
Pour les plus remontés des intervenants, à part les vandales, personne ne s'est prélassé sur les bancs barrant la rue. Côté route, on a perdu 50 places de stationnement (30, a voulu corriger Laurent Kurth). La fermeture de la rue oblige les automobilistes à des tours de Sagnards. Un commentaire? «Vous avez bloqué tout le quartier.» Cerise sur le gâteau: «On dirait que vous faîtes exprès pour que La Chaux-de-Fonds ressemble à une ville de l'Est.»
Côté communication, des riverains ont eu le sentiment d'être «pris pour des gogos». La fermeture de la rue du Collège-Industriel était annoncée temporaire, jusqu'en septembre. Deux mois après, elle est barricadée. Demande-t-on l'avis de riverains mis devant le fait accompli (dont pas mal n'ont même pas reçu l'invitation au débat)? Froncements de sourcils.
Mais l'argument principal contre ce nouveau cheminement piétonnier, c'est la sécurité, en particulier des enfants (il y a une petite école à la rue Jardinière). Quatre rues transversales avec circulation coupent dangereusement la perspective de l'ancien Gymnase à Espacité. «Faudra-t-il installer quatre stops? C'est impensable dans cette configuration. Avec ces coupures, il faut s'attendre à une catastrophe», a prédit un ancien conseiller général.
Les «pour» ont remonté le courant. «Il n'y a pas eu plus de bruit que quand les mêmes noctambules reprenaient leurs voitures parquées le long de la rue», a opposé une jeune riveraine. Elle, elle a trouvé «super» de pouvoir s'asseoir et discuter sur les bancs. «Je suis très très contente qu'on ait créé une rue pour les piétons. C'est bien de voir qu'on peut respirer dans ce quartier», a renchéri une autre. Une mère qui s'est aussi dite très concernée par le problème de la sécurité routière, la pierre angulaire.
Laurent Kurth, très zen, a pris note du tout. Il a servi l'exemple sans problème de la rue de l'Avenir, sous l'Ecole d'art (avec mobilier urbain fixe sans prise sur les vandales). Mais, à la rue du Collège-Industriel, «ce qui a été fait cet été n'est visiblement pas la bonne recette». Au bout du compte, le conseiller communal a tout de même réussi à faire dire aux opposants qu'ils ne souhaitaient pas le retour à la case départ. La réflexion repart donc, sur une rue mixte, avec stationnement, mais aménagée pour les piétons. Un projet sortira «d'ici la fin de l'hiver». En attendant, la rue restera très certainement bouclée. Pour que les automobilistes ne reprennent pas leurs mauvaises habitudes... / RON