Né de leurs amours coupables, le premier album de P. Ferrari Center, «Cédille», rassemble 11 titres, bercés au 120 bpm et placés sous le signe du cinq temps. Et on le sait. Le cinq temps, c'est beaucoup plus troublant mais beaucoup moins dansant... «On n'a pas l'habitude, tout le monde fait du binaire, confie l'artiste. J'aime l'atmosphère tordue du cinq temps, asymétrique, ça crée des malaises...» Résultat, une atmosphère glauque et inquiétante qui contamine tout l'album, en dépit des envolées de Julien Fehlmann à la batterie, des sanglots longs du violon d'Olivier Gabus et des beuglées romantiques de Yonni Chapatte, chanteur de Kehlvin.
«On parle de disque electro, parce que je l'ai fait avec un ordinateur, mais il sonne plutôt metal. C'est un ovni qui a une aura malsaine. Je l'ai fait avec mes tripes!», résume l'artiste, l'air satisfait. Sur la pochette, son portrait se décline en autant de variantes d'autolyses, croquées par le graphiste chaux-de-fonnier Tenko, attiré par l'odeur sulfureuse.
Des études au Technicum, une formation de faiseur d'étampes «liée à la belle horlogerie», quelques années en usine... Rien d'étonnant à ce que ce premier opus fleure bon l'huile de mécanique. Un fatras aux relents industriels que traîne P. Ferrari Center comme autant de vieilles casseroles. «J'ai une relation amour-haine avec La Chaux-de-Fonds. Je l'aime et j'ai envie d'y foutre le feu», avoue-t-il. «Il y a tout de même un gros avantage: le temps est pourri. C'est idéal pour les créatifs», relève celui qui se décrit comme «chaleureux... mais fâché.» Un genre de mal aigu des montagnes qui cogne les tempes, à l'instar des boucles lancinantes concoctées par le musicien.
Des recettes maison testées in vivo dans lesquelles le minimoog (synthétiseur analogique monophonique) vieux de 35 ans grésille de plaisir... La cuisine de P. Ferrari ne manque pas d'attirer les curieux. «L'album n'est pas forcément enivrant à la première écoute, concède-t-il. Mais il n'est de loin pas inaccessible.»
On sent une envie irrépressible d'emmener l'auditeur dans des contrées inconnues, de le surprendre... Au final, un album très particulier au ton désabusé et à l'humour en coin. Envoûtant. /SYB
Vernissage du CD demain dès 19h, rue de l'Hôtel-de-Ville 29, La Chaux-de-Fonds. En vente chez Gabson et Zorrock. Sur internet: www.myspace.com/arakirecords