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Des prises de position graphiques et tranchées

Dans le cadre de la manifestation franco-suisse «Utopies et innovations», le Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds présente le monde en noir et blanc à travers une exposition de gravures consacrées à l'apparition du peuple dans l'histoire de l'art. Un art engagé qui ne fait pas dans la demi-mesure.

21 juin 2010, 07:42

Au début des années 1890, Félix Vallotton (1865-1925) redécouvre la gravure sur bois qui était tombée en désuétude. «Antimilitariste, anticlérical, dénonçant notamment la traite négrière et les répressions policières, il devine très vite le parti graphique et expressif qu'il peut en tirer», explique Gabriel Umstätter, commissaire de l'exposition «Le monde en noir et blanc», «d'autant plus que cette technique permet de produire rapidement des images aussi simples à voir qu'à imprimer». Dès lors, Vallotton mettra l'efficacité de cette esthétique tranchée, ses qualités de simplification et de concentration visuelle au service de ses engagements politiques. Le Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds retrace l'histoire de cette gravure dualiste dans ses moyens comme dans ses fins, avec Vallotton mais aussi Frans Masereel, Clément Moreau ou le Suisse Alexandre Mairet, grand témoin des luttes populaires de notre pays. L'exposition se termine par une brève évocation de la descendance de ces graveurs dans les affiches sérigraphiées, notamment pendant les événements de mai 1968 en France et jusque dans l'art contemporain.

On retrouve ainsi le Paris de la Belle Epoque de Vallotton, la Genève cosmopolite et pacifique des années 1910, l'agitation révolutionnaire des années 1920 ou encore la montée du fascisme à Berlin, Vienne, Bâle ou Zurich. Ces graveurs n'ont cessé de prendre position face aux soubresauts de l'histoire en affirmant leurs valeurs à travers un large spectre de postures et de variantes stylistiques. Tant les gravures sur bois de Vallotton plus proches de la technique et de l'esthétique des estampes japonaises, la touche expressionniste des «romans graphiques» de Masereel, la grande force dramatique des gravures de Mairet que le graphisme élémentaire et rigoureux - qui deviendra plus tard un système de communication visuelle, conçue comme un instrument d'émancipation sociale - d'un Gerd Arntz, émanent d'artistes qui ont tous un rapport esthétique différent à l'engagement idéologique.

Retenons encore les surprenants pochoirs imprimés des sœurs Bernadette, un groupe de jeunes ouvrières qui avaient décidé de vouer leur existence à Dieu dans un village de Lorraine au début du 20e siècle et qui se sont résolument engagées du côté catholique vers 1905 au moment de la promulgation des lois sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. «Le groupe produit un catéchisme intégriste, intitulé «La méthode Bernadette», pour lutter contre les délires épouvantables de la modernité», précise Gabriel Umstätter; «elle sera diffusée dans les paroisses jusque dans les années 1950 avant d'être interdite par le Vatican II en 1967». Un art sans concession, entre individualisme et asservissement à la cause, à voir absolument. /SEC

La Chaux-de-Fonds, Musée des beaux-arts, jusqu'au 12 septembre

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