«L'ethnologie? Aujourd'hui, on s'intéresse aux phénomènes contemporains, on ne fait plus des expositions à partir de collections d'objets exotiques comme autrefois!» Etudiante à l'Institut d'ethnologie de Neuchâtel, Cristina Munoz résume ainsi l'avis des jeunes auteurs de l'exposition «Pièces rapportées». C'est pourtant bien «dans l'univers des collectionneurs d'il y a 50 ans» que les futurs chercheurs ont dû s'immerger pour les besoins de ce parcours. Un parcours qui montre pour la première fois au public la collection d'art africain constituée au siècle dernier par les époux Fridel et Witold Grünbaum, aujourd'hui décédés.
Ces Bâlois, qui s'étaient installés sur le Littoral neuchâtelois au début des années 1970, ont réuni plus de 650 pièces d'une grande valeur à la fois scientifique, esthétique, marchande; un fonds remarquable par son caractère encyclopédiste et la passion humaniste de ses propriétaires, mais non exempt des questions inhérentes au transfert de tout patrimoine culturel. Ancien directeur de Philip Morris, Witold Grünbaum acquit au cours de ses nombreux voyages au Nigeria plus d'une centaine d'ibeji (photo ci-contre), statuettes du peuple yoruba sculptées à l'effigie de jumeaux décédés. Son épouse, elle, s'était prise de passion pour les masques blancs mukuji des Punu du Gabon. Autant de trésors légués récemment au Musée d'ethnographie de Neuchâtel par la Fondation Grünbaum.
Construit sous forme de labyrinthe en bois brut, l'itinéraire aménagé dans le hall du musée, reconstitue l'intérieur de la propriété des Grünbaum, à Chez-le-Bart. Les étudiants jouent sur une mise en perspective décalée, ludique, voire à clé. Des statuettes dans un frigo? «On symbolise la problématique des fouilles illicites», explique Nicolas Veuthey. «Ces objets que les musées n'ont théoriquement pas le droit d'exposer, nous les vouons à la congélation!»
Un carnotzet avec quelques bouteilles bien de chez nous et un masque du Lötschental? «Les Grünbaum en possédaient un. Ce lieu illustre la question de la coexistence des objets d'ici et d'ailleurs, de leur valeur respective, des enjeux économiques.»
Neuchâtel, Musée d'ethnographie, à voir jusqu'au 25 septembre, www.men.ch