Souvent sous-estimé par la critique, le réalisateur de «Cible émouvante» et des «Apprentis» n'en trace pas moins tranquillement son sillon au sein du cinéma français, signant à intervalles réguliers des comédies dont l'élégance et le sens du «timing» font penser au grand Ernst Lubitsch (1892-1947), à raison, dans la mesure où Salvadori a confessé plus d'une fois sa profonde admiration pour l'uvre de l'auteur de l'inoubliable «To Be Or Not To Be». Retrouvant l'actrice Audrey Tautou, qu'il avait dirigée dans son film précédent («Hors de prix»), le réalisateur de «Comme elle respire» lui fait endosser le rôle d'Emilie, gérante d'un salon de coiffure sis à Sète.
N'osant avouer sa flamme, l'un de ses employés, le très timide Jean (Sami Bouajila) lui dépêche une lettre d'amour ardente mais clandestine, qu'elle se hâte de jeter à la corbeille, sous le regard éploré du malheureux. Un peu plus tard, Emilie récupère en catimini la lettre. Sans états d'âme, elle la recopie in extenso, avant de l'envoyer à Maddy (Nathalie Baye), sa pauvre mère qui vient de se faire plaquer par son mari.
Sans retour, la mécanique du vaudeville est enclenchée. Avec une science assez impressionnante, Salvadori développe dès lors une série de quiproquos très jouissifs dont seront tour à tour victimes les trois protagonistes, contraints de jouer la comédie, multipliant les actes manqués qui témoignent de leur confusion sentimentale. A ce petit jeu un brin exposé, et contre toute attente, c'est Maddy qui se révélera la plus experte, excellant dans le grand numéro de charme trompeur. Au final, quelques masques tomberont, car le cinéaste ne craint pas d'égratigner son trio. La fille qui veut si bien faire est machiavélique, et la mère, plus maligne qu'elle ne veut en donner l'air, ne demeure vraiment pas en reste! En dépit de ces quelques coups de griffes, ces transports amoureux plus ou moins feints trahissent une belle fragilité, dont l'humanité bat en brèche l'humour boulevardier pointant ci et là. Un régal! /VAD
Neuchâtel, Studio; La Chaux-de-Fonds, Scala 2; 1h45