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Confessions à «100 balles»

Alors que les prestations sont adaptées en ce début d'année, rencontre avec des bénéficiaires, blessés d'avoir été ponctionnés sur leur maigre revenu. Ils invitent les politiciens à découvrir «leur» terrain En décembre dernier, le canton de Neuchâtel annonçait que l?aide sociale serait diminuée pour une bonne partie des bénéfi ciaires, générant ainsi des économies de plus de quatre millions de francs. Qui sont ces personnes, et comment vivent-elles? Rencontre avec des bénéficiaires de l?aide sociale de La Chaux-de-Fonds.

29 janv. 2006, 12:00

«On prend aux pauvres pour montrer aux riches que les plus démunis font un geste. C'est très blessant.» Après-midi d'hiver ensoleillé, à La Chaux-de-Fonds. Ils sont une douzaine attablés à l'Espace des Montagnes, lieu d'accueil de Caritas. Thomas (prénom fictif), Anne, Nordine et Bernard. Et d'autres, qui écoutent attentivement les discussions, en gardant le silence.

Depuis quelques mois, Thomas, Anne, Nordine, Bernard et les autres font la une de l'actualité, bien malgré eux. Sur l'autel des restrictions budgétaires, ils paient le prix fort, des subsides d'assurance maladie revus à la baisse à l'aide sociale rognée pour la plupart: «Quand j'entends dire qu'on va abaisser notre rente de 100 balles, je vous dis qu'il y a de quoi faire la révolution!», s'énerve Bernard. «Je croirai à la démocratie quand elle permettra à tous ses citoyens de s'épanouir», lance Thomas. Et Nordine? «On nous montre du doigt, comme si c'était de notre faute d'être ici. Alors que certains dépensent des milliards à fonds perdu.Voyez les dirigeants de l'ex-Swissair, ils sont tous encore en piste. Tandis que nous...»

Dès le mois de février, leur budget sera rogné de 100 francs, en moyenne. «Ça blesse vraiment de lire tout ça. On se sent déjà humilié de devoir aller à l'aide sociale, cela nous rabaisse encore plus. Nous sommes déjà très restreints, et voilà qu'on nous demande encore, à nous, un effort», dit Anne, qui élève seule son fils adolescent. Des humiliations vécues «au quotidien» dont elle se passerait. «Si je n'avais pas mon fils à charge, je me débrouillerais sans aller aux «sociaux».

Des vies cabossées

Sobrement, ils évoquent ce moment où leur vie a trébuché, la dépression, le découragement. «Non, nous n'avons pas choisi cette vie-là. Personne ne choisirait cette vie-là», confie Anne, depuis deux ans à l'aide sociale. Elle ne désespère pas de retravailler un jour mais en attendant, elle vivote. «J'ai expliqué la situation à mon fils adolescent, il sait que c'est difficile».

Travailler? Ils ne sont pas contre, mais répètent que «quand on n'a pas le moral, c'est très difficile de trouver un travail. il faudrait plus de force, autant physique que psychique». Pour l'instant, ils détaillent leurs budgets respectifs. «J'ai un forfait d'entretien de 1060 francs (réd: auquel il faut ajouter le loyer et les primes d'assurance maladie) et 150 francs par mois de forfait d'insertion, détaille Bernard, la cinquantaine, sans emploi depuis quinze ans. Avec ça, et en retranchant 100 francs, je dois m'acheter mes fringues, mes pompes, mes affaires de toilettes, me payer le coiffeur». Le superflu? «Je ne connais pas ce mot.»

Bernard a dû, lui aussi, établir un plan d'austérité. «Mes cigarettes faisaient-elles partie du superflu? Dorénavant, je les roule: de sacrées économies... Mon abonnement demi-tarif? Il m'est utile pour aller voir mes parents, âgés et malades, à Genève. Mon téléphone portable? Je l'ai acheté pour la même raison, mais désormais, j'ai pris une carte à prépaiement.» Les sorties qu'il affectionnait, il n'en fait presque plus. «Je suis un ex-grand foireur. Je lis, je m'instruis, je fais des jeux. A la maison».

Nordine écoute attentivement: lui qui vit sans frigo, n'a pas encore réfléchi aux restrictions qu'il devra s'imposer: «Je vis non pas au jour le jour, mais d'une semaine à l'autre. J'aimais beaucoup le cinéma mais ça fait longtemps que je n'y vais plus».

Faire attention à tout

Anne ouvre un livre de comptes mentionnant un forfait d'entretien de 1669 francs, pour la famille monoparentale qu'elle représente. «Je toucherai un peu plus, 80 francs par mois selon les calculs de mon assistante sociale. C'est une bonne surprise, mais cela ne change pas grand- chose au quotidien», confie-t-elle. Ses «trucs» pour faire face? «Je fais tellement attention aux prix que j'en deviens agaçante... J'utilise le moins d'électricité possible, je m'habille dans les trocs. Ces 80 francs, je les réserverai à mon fils. Pour des vêtements neufs.» /FLH

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