Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Brisé par l'amiante

Suite à une exposition aux fibres nocives dans un bâtiment chaux-de-fonnier dans les années 1960, un sexagénaire se bat depuis cinq ans contre un cancer de la plèvre. Témoignage Dans une langue précise et choisie, légèrement colorée par ses origines étrangères, Alexandre* se fait violence pour tenter de dire l'indicible. Depuis cinq ans, ce sexagénaire résidant dans le bassin lémanique n'a cessé de se battre, atteint d'une maladie liée à l'inhalation de fibres d'amiante. Avec une opiniâtreté à la mesure de sa colère, il s'est investi pour connaître et faire reconnaître l'origine de ses souffrances: la présence d'amiante floqué dans un bâtiment chaux-de-fonnier où il a travaillé, il y a plus de trente ans.

16 janv. 2006, 12:00

«Comme toutes les personnes atteintes d'un cancer, j'ai tout d'abord ressenti une profonde révolte: pourquoi moi?!» La voix tremblante, Alexandre maîtrise difficilement son émotion à l'évocation du mal qui le dévore. Lorsqu'il a découvert, en juillet 2000, qu'il était atteint d'un mésothéliome pleural (cancer de la plèvre), il n'a pas compris ce qui lui arrivait. «C'est bien simple, l'amiante, je ne savais même pas ce que c'était.»

Une opération très lourde

Aux yeux des médecins et des spécialistes, Alexandre est en quelque sorte un miraculé. Il le sait. 153 jours d'hôpital, huit opérations, 18 anesthésies, huit mois de nourriture artificielle, six mois de morphine, 23% de poids perdu. Mais aussi plusieurs amputations: le poumon, la plèvre et le diaphragme droits, le péricarde, deux côtes. Radio- et chimiothérapie, trois infections neusocomiales, 53 traitements ambulatoires, absorption d'une énorme quantité de médicaments. «Et je suis là», lâche-t-il, dans un souffle.

C'est en juillet 2000 que le mésothéliome a été diagnostiqué. «J'ai consulté un médecin parce que je ressentais une certaine difficulté à respirer. Ironie du sort, deux jours auparavant, je jouais encore au tennis, sans me douter de rien!» Selon lui, son physique de sportif l'a aidé à s'en sortir, «sinon, rien ne dit que mon coeur aurait tenu le coup».

Le développement du mésothéliome est une conséquence typique d'une exposition aux fibres d'amiante. Affaibli par ces très lourds protocoles opératoires, Alexandre ne veut cependant pas en rester là: il veut tout savoir sur la source de sa maladie.

«Pour moi, le délai a été de 36 ans»

Son enquête le fait remonter au début des années 1960; il avait alors travaillé comme cadre dans une entreprise de La Chaux-de-Fonds. Dans des locaux tout neufs, dont les plafonds avaient été fraîchement floqués à l'amiante. «Ce matériau servait de protection ignifuge et phonique. A l'époque, on n'avait pas conscience de sa toxicité.»

Alexandre n'a travaillé que 38 mois dans ce bâtiment. Soit une courte parenthèse, avant d'accomplir trente ans de parcours professionnel comme manager dans des sociétés vaudoises. Car le mal est hautement sournois; il ne se manifeste que 20 à 40 ans après l'exposition. «Pour moi, le délai a été de 36 ans.»

Le mésothéliome est une maladie foudroyante, généralement mortelle au bout de deux ans. «Je me suis rendu compte que je suis un des seuls témoins vivants de cette saloperie.» D'un geste rapide, il essuie une larme sur sa joue.

«Je ne suis pas le plus à plaindre, j'ai la chance d'être indépendant et autonome.» Aujourd'hui, Alexandre se rend régulièrement au Chuv pour des contrôles et ses souffrances sont constantes. «La douleur est en soi une occupation à plein-temps. J'ai dû reconstituer ma vie et faire le point: trier ce qui était toujours valable et ce qui était totalement anéanti.» Fort de sa pénible expérience, il soutient le Caova (lire ci-contre) aux côtés des victimes de l'amiante et de leurs familles. «Je tiens à témoigner, car il est important de sensibiliser les gens à ce fléau.» / CPA

*Prénom fictif

Votre publicité ici avec IMPACT_medias