Guido choisit la terrasse de la brasserie de L'Heure bleue pour étancher sa soif. Le grand bâtiment, qui abrite le théâtre et la Salle de musique, a été entièrement restauré au début des années 2000. Construit en 1837, le théâtre à l'italienne marquait alors quasiment la fin de la rue.
C'est en février 1857 que les autorités approuvent les dernières parties du plan d'alignement, «dressé par l'ingénieur cantonal Charles Knab», expliquent Jean-Marc Barrelet et Jacques Ramseyer dans «La Chaux-de-Fonds ou le défi d'une cité horlogère». Et de préciser: «Aussi le plan de Charles Knab, qui est souvent perçu comme la simple continuation du plan de Charles-Henri Junod (réd: inspecteur des Ponts et chaussées de la Principauté de Neuchâtel, qui a élaboré son plan en 1835), créait la surprise en aménageant ce qui deviendra l'avenue centrale, la rue Léopold-Robert, et annonçait la liaison nécessaire entre la place centrale et la gare, voire le recentrage de la ville autour d'activités nouvelles (comme les grands magasins) et du chemin de fer». L'artère prendra le nom du peintre chaux-de-fonnier en 1862 sur proposition de son ami Célestin Nicolet, pharmacien, homme politique et créateur du Musée d'histoire naturelle. «La Grande-Rue ou rue du Locle, anciennement le Petit-Quartier, fut baptisée le 8 août 1862 rue Léopold-Robert. Le beau monument représentant un des sujets de notre illustre compatriote, au commencement de cette avenue, est dû à l'excellent sculpteur Léon Perrin. Il a été érigé à l'occasion des fêtes qui marquèrent le centenaire de la mort du grand peintre romantique», peut-on lire dans l'ouvrage de Charles Thomann «L'histoire de La Chaux-de-Fonds inscrite dans ses rues».
«Y aurait-il eu un présage?», se dit Guido Huguenin. Léopold Robert est né six jours après le grand incendie qui a détruit tout le centre du village le 5 mai 1794. Ce tragique événement ne fait heureusement aucune victime. Par contre, des centaines de personnes sans ressources se retrouvent à la rue. La solidarité prend pied dans le village. La reconstruction tient compte des erreurs d'antan. Le village se développe rapidement. En 1770, La Chaux-de-Fonds compte environ 2900 habitants. Ils sont plus de 4900 en 1800.
Léopold Robert se donne la mort en 1835 à Venise. Sa passion pour la princesse Charlotte de Bonaparte aurait été trop forte.
L'avenue, elle, se développe au tournant du XXe siècle. En 1888, les premiers érables sont plantés. L'Hôtel des postes est achevé en 1910. Au No 94, une fabrique d'horlogerie est érigée en 1919. Elle a pris la place de la maison natale du peintre.
Véritable axe de transit automobile dans la deuxième moitié du XXe siècle, le Pod fait l'objet de nombreux débats. En 1994, une initiative du Touring club suisse est déposée pour qu'il y ait trois voies de circulation dans les deux sens. Combattue par un comité «Touche pas à mon Pod», elle est balayée par la population en juin 1995. Comme est balayé, en 2004, le projet communal de zone de rencontre entre L'Heure bleue et la Grande fontaine. En 2007, le Pod fait toujours parler de lui. Un projet d'aménagement dort dans les tiroirs des autorités. Décidément, se dit Guido, Léopold Robert ne cesse pas de faire parler de lui. /DAD