«En travaillant à la voirie, j’ai l’impression de servir à quelque chose.» Lenora Rossi, 28 ans, est la seule femme de ce service à la Ville de Neuchâtel. Fière de son job «souvent dénigré», elle le valorise sur les réseaux sociaux en postant des images.

«Je suis ouvrière polyvalente. Le 70% du temps, je conduis des balayeuses. Mais je peux aussi m’occuper de la fauche, du déneigement ou de vider les poubelles.»

Lenora Rossi aime valoriser son travail au travers de photographies.

Ce que Lenora Rossi préfère? «Voir l’avant/après. Notamment en automne, lorsqu’il faut ramasser toutes les feuilles. A ce moment-là, je sais pourquoi je viens travailler.» Le pire? «Nettoyer les déjections, le vomi, le pipi et j’en passe.»

Un regret: «Certaines personnes disent qu’on ne fait rien lorsqu’elles voient des détritus. Or, on ne peut pas être partout en même temps. Je ne comprends pas pourquoi on s’en prend à nous, alors qu’on ramasse les déchets d’autrui.»

42e joueuse suisse de tennis à 16 ans

Il arrive qu’on lui demande «quelle connerie» elle a faite pour se retrouver à nettoyer les rues de la ville… Il faut dire que Lenora Rossi a un parcours plutôt intriguant.

«Après ma scolarité à La Chaux-de-Fonds, je suis partie à la Swisstennis Academy de Bienne. Ayant commencé ce sport à 4 ans, je rêvais de devenir professionnelle.» 42e joueuse suisse à l’âge de 16 ans, elle laisse tomber ce cursus «pour des raisons financières».

Elle se lance alors dans tout autre chose. «J’ai fait un CFC de peintre en bâtiment, pour les côtés manuel et artistique.»

Lenora Rossi dans sa balayeuse. Photo: David Marchon

En parallèle, Lenora Rossi continue le tennis et, à la fin de son apprentissage, obtient une bourse pour se rendre aux Etats-Unis. «Je suivais un cursus de sport-études qui aurait dû durer cinq ans. Mais je suis repartie après trois mois… Les conditions de vie étaient scandaleuses: on vivait à treize dans un deux-pièces!»

C’est la fin du rêve de sportive d’élite. Réengagée dans l’entreprise dans laquelle elle a fait son apprentissage, elle y passe encore trois ans. Avant de réaliser un autre rêve d’enfance: le service militaire. «J’ai toujours aimé l’autorité. J’adorais déjà commander mon frère», sourit-elle.

«A l’armée, tous les mecs n’appréciaient pas de se faire diriger par une femme…»

Lenora Rossi

Elle part à Wangen an der Aare, dans les troupes de sauvetage. Devenue sergente, elle est chargée de donner le sport à toute la compagnie. «Je leur mettais la raclée, à ces mecs», glisse-t-elle en riant.

La Chaux-de-Fonnière obtient même «le record de gainage à l’école d’officiers», lorsqu’elle passe lieutenant. «J’ai tenu 8 minutes et 31 secondes», assure-t-elle fièrement. De quoi obtenir le respect des 37 hommes qu’elle commandera.

«Je devais quand même montrer davantage d’autorité que mes homologues masculins. Tous les mecs n’appréciaient pas de se faire diriger par une femme…»

Garçon manqué? Ou fille réussie?

D’abord décidée à faire carrière dans l’armée, elle changera d’avis. «Je n’avais pas envie de rester en caserne toute ma vie.» Appréciant évidemment «la discipline et le dépassement de soi», Lenora Rossi se tourne vers la sécurité urbaine de la Ville de Neuchâtel.

«J’ai passé l’examen et j’ai été engagée. Je ne suis restée qu’une année et demie. Ce travail ne me correspondait pas. J’aime aider les gens; en leur mettant des amendes, je les embêtais.»

C’est finalement à la voirie que Lenora Rossi a retrouvé du sens à travailler. Toujours dans un milieu qui continue à être considéré comme masculin. Elle rit encore: «Mes parents ne m’ont jamais acheté de poupées. Je jouais aux Lego avec mon frère. J’ai toujours été un garçon manqué… ou une fille réussie!»

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