Principale pierre d'achoppement: les zones tampons, ces bandes de terrain qui entourent la tourbière. Afin de garder au marais sa végétation et son humidité typiques, l'utilisation d'engrais y est interdite, de même que le drainage. Saisi par les organisations environnementales, le Tribunal fédéral a ordonné au canton en 1997 de mettre en place ces zones tampons.
Au terme de négociations, des bandes d'au moins 15 mètres ont été réalisées en 2002 dans la vallée de La Brévine. Sur la base de ce compromis, que le WWF juge comme un «minimum acceptable», l'Etat a élaboré un plan en 2004 pour la vallée des Ponts. Or 14 agriculteurs concernés, appuyés par l'association Aqua Nostra, ont recouru.
«Le principe de la protection n'est guère contesté, mais on ne peut pas toucher ainsi aux terres par la contrainte, sans discuter avec les propriétaires», résume l'avocat Alexandre Zen-Ruffinen. L'affaire est toujours en suspens au Tribunal administratif cantonal.
Si le dossier est plus avancé dans la vallée de La Brévine, ce que le WWF trouve positif, cela n'empêche pas les grincements de dents. Selon Philippe Jacot, de la Chambre neuchâteloise d'agriculture, une bonne partie de la vingtaine de paysans qui ont signé des conventions avec l'Etat - pas de fumure, pas de bovins en pâture, pas de fauche printanière, mais des indemnités - hésitent à renouveler ces contrats qui arrivent à échéance au printemps 2008. Ou veulent en tout cas des garanties.
«On nous avait fait de grandes promesses comme quoi on pourrait exploiter comme avant, or on a une grande perte de fourrage», commente Roger Faivre. «Surtout, comme le gazon se raréfie et qu'il est remplacé par de la mousse, le sol devient tendre, difficile d'accès pour le tracteur.»
Des restrictions d'exploitation sont inévitables, affirme Yvan Matthey, à Pro Natura, qui juge que certains discours écologistes du monde paysan ne s'appliquent pas toujours dans le terrain. Néanmoins, malgré les inquiétudes face à la future suppression des drainages et sans exclure que le travail supplémentaire imposé aux paysans soit mieux indemnisé, le biologiste pense que «le dialogue entamé peut amener des résultats positifs». Encore faudrait-il pour cela que la Justice clarifie la situation.
Sur le fond, même si l'application de la protection est sujette à caution, le conseiller d'Etat Fernand Cuche affirme son intention de «faire respecter la volonté populaire et de convaincre les agriculteurs que ces terres marécageuses ont une valeur paysagère unique». Plutôt que des indemnités, il faudrait, selon lui, pouvoir offrir des contreparties aux surfaces placées en zones tampons. Mais l'Etat ne possède pas assez de terrain.
On savait que la tourbière abrite des vipères. On découvre qu'elle est aussi un sacré serpent de mer... / AXB