Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Gérant d'immeubles condamné

Il obtenait des faveurs sexuelles en abusant de la détresse d'une locataire. Seize mois de prison avec sursis «Il avait plus que tout. La victime, elle, moins que rien», a commencé le substitut du procureur Nicolas Aubert. D'un côté, Pierre*, propriétaire et gérant d'immeubles, riche de plus de 11 millions de fortune. De l'autre, Lydia*, une immigrée illettrée de 30 ans sa cadette, émargeant aux services sociaux. «Seule une passerelle reliait ces deux mondes: un bail et un contrat de conciergerie.»

03 sept. 2006, 12:00

Pierre, gérant de l'immeuble occupé par Lydia, aurait volontairement établi deux baux, dont un au seul nom de la jeune femme, afin de cacher aux services sociaux l'existence de son colocataire et lui permettre ainsi de percevoir indûment des subsides. Ce qu'il niait. «Je n'aurais jamais fait ça. Notre gérance est l'une des dernières à travailler avec les services sociaux. Il me semble que c'est mon devoir...»

Plus épineuse encore était la question d'actes d'ordre sexuel entre les deux protagonistes. Un écheveau difficile à démêler pour le tribunal. Lydia affirmait avoir été violée un jour où le propriétaire était entré sans prévenir chez elle. Sa spécialité, selon le procureur. «Il faisait peu de cas des règles de forme, entrait sans sonner, fouillait les boîtes aux lettres à la recherche de factures en retard.» Plusieurs locataires s'étaient plaints de ses entrées intempestives auprès d'une employée de la gérance. A plusieurs reprises, de crainte de voir son bail résilié, Lydia aurait ensuite accepté de le suivre dans la cave pour y subir différents actes sexuels.

Pierre a tout d'abord nié en bloc. Mais un chiffon trouvé dans ladite cave avec des traces de son sperme lui a rafraîchi la mémoire. Sans cet élément probant, «il pensait qu'on ne pouvait pas le confondre, que, vu sa position, il était intouchable», a relevé l'avocat de Lydia.

«Il pensait qu'il était intouchable»

Après avoir imaginé une version totalement abracadabrante, Pierre a finalement admis avoir eu des relations sexuelles avec Lydia, à cette différence près: «C'est presque moi qui ai été violé. J'ai été naïf.» Les fois suivantes, il aurait été attiré dans l'immeuble sous des prétextes fallacieux. Pourquoi ne pas avoir repoussé Lydia? «Il faut de la force! Elle m'agressait!» Comment avoir une érection dans ces conditions? «Quand elle vous prend la chose...» Son épouse n'a pas cru à sa version. Elle l'a quitté après 50 ans de vie commune. «Je suis bouleversé.»

La défense a mis le doigt sur la personnalité de la plaignante, dépeinte comme «provocante, sexy, qui a soif de «ça». Egalement fort naïve. «Il est possible qu'elle ait cru qu'elle obtiendrait des réductions de loyer contre des faveurs sexuelles», a soupçonné la défense. Déçue, elle se serait vengée en portant plainte. «J'ai eu beaucoup de plaisir. C'était la première fois qu'on me faisait des trucs comme ça, mais je n'en aurais pas eu l'idée», a bafouillé le gérant, contre lequel le procureur réclamait trois ans de prison.

Dans l'impossibilité d'identifier les éléments de l'infraction, le tribunal a écarté les préventions d'escroquerie et de faux dans les titres. Il a également exclu le viol, mais retenu l'abus de détresse. «Consentement il y a eu, mais pas librement donné, a nuancé le président. La loi traite différemment les deux préventions. On risque d'un à dix ans de prison dans le cas d'un viol; de trois jours à trois ans pour abus de détresse.»

Le gérant, «à la culpabilité sérieuse», a été condamné à 16 mois de prison avec sursis, moins dix jours de préventive. Il s'acquittera en outre des frais de la cause, réduits à 15.000 francs. La plaignante recevra quant à elle une indemnité pour tort moral de 10.000 fr. et une indemnité de dépens de 500 francs. / SYB

*Prénoms fictifs

Votre publicité ici avec IMPACT_medias