Le sénateur Dick Marty a rappelé, hier, l'époque (20 ans à peine) où les enfants clandestins de saisonniers en Suisse étaient encore cachés dans leur appartement, interdits d'école et de plein air, pour ne pas risquer l'expulsion. Et d'évoquer au passage le courage politique du conseiller d'Etat neuchâtelois Jean Cavadini qui, en 1989, a bravé la loi au profit de l'esprit de justice en décrétant que ces enfants seraient scolarisés sans être dénoncés.
Le statut de saisonnier a disparu depuis, et le regroupement familial ancré dans la loi. Aujourd'hui, on ouvre la voie de l'apprentissage aux jeunes sans-papiers. Timidement, car il fallait surtout éviter que cette avancée ne soit prise pour une régularisation collective camouflée des clandestins. Malgré l'absurdité qui permet aux mêmes jeunes d'aller jusqu'au doctorat universitaire, mais pas d'envisager un CFC dans le cadre d'une entreprise.
Dernier argument: on «ne résout rien», on «repousse le problème» de trois ou quatre ans. C'est assez piquant: s'il faut se contenter d'une solution imparfaite, c'est justement parce qu'une forte minorité ne veut pas de solution. Et préfère laisser «zoner» des milliers de jeunes de 15-20 ans plutôt que de les former. Alors que, même si quelques-uns finissent par être expulsés, ils auront au moins un bagage pour démarrer ailleurs. La Suisse s'est excusée pour avoir, durant 60 ans, sédentarisé de force des enfants du voyage en les arrachant à leurs familles, elle vient de s'excuser de son arbitraire auprès des «internées administratives» de la prison de Hindelbank. Si on essayait d'anticiper, cette fois?