Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Métamorphoses de la vallée de La Sagne et vers de Bashô

20 juil. 2008, 12:00

Pudeur. Le mot prend sa place. Pas esseulé, comme nécessaire. Passer un temps avec la parole de Pierre Chappuis (photo Guillaume Perret), vendredi matin, à la faculté des lettres de Neuchâtel s'apparente à une plongée délicate dans le frémissement de la langue. «On ne peut pas concevoir une poésie qui ne serait pas attachée à la valeur physique du mot. Comme les aliments, les mots possèdent un goût, un grain indépendants de leur sens», explique l'auteur de «Pleines marges», au public des cours d'été, composé notamment d'étudiants ayant écossé «Dans la foulée».

Malgré l'exigence farouche qu'il accorde au langage, dans des moments qu'il tente de disqualifier lui-même en essaimant son discours de «truismes» ou de «vérités toutes simples», Pierre Chappuis pense que la qualité verbale ne se limite pas à un petit cercle d'initiés. Il cite Mallarmé: «Tout est vers». Même si, selon lui, internet, les sms ou les médias contribuent à appauvrir la langue, les slogans publicitaires gardent en éveil les jeux de mots, les calembours, les lapsus parfois involontaires. Même Le Petit Robert archive «la fourche a langué».

«Qui peut prononcer le mot ami sans réfléchir à comment il est venu jusqu'à nous, à son intériorité? La racine latine de souvenir se niche dans venir à l'esprit», esquisse le poète.

Sur les chemins d'ici, qu'il a arpentés inlassablement avec ses enfants heureux, il prend des notes avec l'heure et le jour; finalement, ces précisions disparaissent. Il rappelle le geste de celui qui module la langue, «très lentement, très difficilement», pour parvenir à une forme d'effacement. Il enlace son oralité à une phrase de René Char retravaillée par le ressassement intérieur: «Ces légers mots immortels jamais endeuillés.»

Comme la mignardise que l'on sert avec le café, il se plaît, avec l'élégance des plaisantins discrets, à donner un extrait de «Distance aveugle», un texte qui étonnamment avait jailli.

Pierre Chappuis raconte les métamorphoses de la vallée de La Sagne d'où venaient ses grands-parents: «Il y a 50 ans, on faisait sécher la tourbe en pyramide, je me souviens de ce paysage noir, en y repassant l'autre jour je ne reconnaissais pas toute cette herbe, même si je n'ai cessé de sillonner cette région.» Il pense à ce haïku du moine Bashô: «Etant à Kyoto /mais au chant du coucou /rêvant de Kyoto.»

«La surprise du paysage, c'est qu'il ne s'annonce pas», écrit François Bon.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias