Que représente pour vous cette invitation des Ethiopiens de Neuchâtel? Etre sollicité par des gens de cette culture représente une reconnaissance de mon travail de photographe. S'ils ne se sentent pas trahis, c'est que j'ai vu juste.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l?Ethiopie? J'étais obsédé par l'Inde. Ça devenait presque maladif (réd: le photographe a débuté en témoignant du travail du médecin des rues Jack Preger à Calcutta). Un ami m'a proposé d'aller en Ethiopie. Je me suis retrouvé à Addis-Abeba. Les premiers jours, je n'osais presque pas sortir. J'ai suivi trois médecins éthiopiens qui m'ont montré leur pays. Ils avaient envie que je l'aime et ils ont réussi! J'y ai passé six mois en trois fois. Je suis nostalgique.
Le pays a été marqué par la guerre. Comment réagissaient les gens que vous photographiiez? Il y a eu beaucoup de souffrance avec cette guerre fratricide avec l'Erythrée. Au début, les gens avaient peur, ils partaient. Certains enfants mettaient la main devant leur visage, car ils craignaient que quelque chose sorte de l'objectif.
Comment percevez-vous ce pays et son peuple? Avec des années de famine et de guerre, les médias ont véhiculé une image déplorable de l'Ethiopie. Pourtant, ce pays a une immense culture, la plus grande d'Afrique. J'ai eu un choc physique en le découvrant. Ce fut une rencontre extraordinaire. Ce pays n'a jamais été colonisé. Les gens sont beaux, nobles. Ils ont une grande prestance et sont fiers de leur culture. Le ciel est tellement grand qu'on a parfois l'impression de marcher dedans!
Pourquoi êtes-vous parti sur les traces d?Arthur Rimbaud dans votre livre sur l?Abyssinie (réd: légendaire royaume dans la pointe nord de l?Afrique orientale)? A Harar, une ville médiévale, on plonge plusieurs siècles en arrière. La ville n'a pas bougé. Arthur Rimbaud y est resté presque dix ans alors que c'est le bout du monde. On y sentait encore la transpiration du poète. J'étais totalement sous le charme. De retour en Suisse, j'ai acheté le livre de sa correspondance et je suis retourné à Harar pour le lire. Rimbaud avait une relation d'amour-haine avec cette ville.
Pourquoi vendre de l?artisanat du monde à Aigle? Car je suis d'une famille d'antiquaires. J'ai ramené assez d'objets de mes voyages pour ouvrir le centre Images et atmosphères. Ça me permet d'être indépendant dans ma photo. S'il faut vendre des meubles pour être libre, je le fais! Je peux ainsi réaliser des projets personnels comme le livre «Cicatrice» sur l'excision au Burkina Faso. /BWE
Exposition des photographies de Benoît Lange jusqu?au 18 août au péristyle de l?Hôtel de ville à Neuchâtel; lu-ve: 7h-19h; sa: 7h-17h; dimanche fermé