L’idée du Collectif pour la mémoire de déboulonner la statue de David de Pury a provoqué de vives polémiques. Un monument permet de faire un travail de mémoire critique. Il ne s’agit pas seulement de vénérer le bienfaiteur, mais de nous souvenir de l’entier du personnage, avec ses zones d’ombre. Mieux qu’une plaque commémorative, une statue rappelle que les bienfaits dont Neuchâtel jouit sont issus de compromissions.
Cela nous permettrait aussi de travailler sur notre présent. Nos bienfaits actuels sont eux aussi issus de compromissions avec d’autres formes d’esclavage. Renoncerons-nous aux légumes et fruits venant d’Italie et d’Espagne, parce que les ouvriers des serres du Sud vivent comme des serfs corvéables? Cesserons-nous de boire des expressos, parce que des centaines de milliers d’enfants triment dans les plantations africaines de Nestlé? Arrêterons-nous d’utiliser nos smartphones parce que les convoitises autour de l’extraction du coltan indispensable à leur fabrication fait des dizaines de milliers de victimes au Congo?
Je suggère au Collectif pour la mémoire de se muer en un Collectif de soutien à l’initiative pour des multinationales responsables
Cela me conduit à faire deux propositions. Tout d’abord, qu’on charge un artiste de faire un monument à ces esclaves d’aujourd’hui, que l’on placera devant celle de David de Pury. Ensuite, je suggère au Collectif pour la mémoire de se muer en un Collectif de soutien à l’initiative pour des multinationales responsables, afin qu’en novembre prochain un oui massif sorte des urnes. Car ce sont ces grandes entreprises tentaculaires qui continuent impunément les trafics d’esclaves.
Sortons nos frondes contre les Goliath d’aujourd’hui, au lieu de décapiter les David de jadis!