Des piles de boîtes en carton hautes de quelques dizaines de mètres, contenant des jeux ou de la matière première. Des imprimantes gigantesques pour le plastique. Des techniciens qui s’agitent ici et là pour alimenter et décharger des machines sophistiquées. Des ordinateurs qui contrôlent la qualité de tous les éléments qu’elles produisent. C’est dans l’usine tessinoise de Novazzano qu’est produit un jouet magnétique de construction qui devrait à nouveau faire un carton à Noël: Geomag.

Près de 80% de la production se fait durant la haute saison qui s’étend de juillet à novembre grâce à un haut degré d’automatisation. «Huit mois par an, l’usine opère 24 h sur 24 avec trois tours de travail», relève Filippo Gallizia, directeur de Geomagworld. «Les quatre autres mois, seuls deux tours sont effectués», affirme-t-il, en montrant une série de machines fabriquées par les propres designers de la société. «C’est un immense travail d’ingénierie», apprécie-t-il.

Production suisse

Dans un grondement des automates, le patron indique que les 4000 m² du site de Novazzano abritent l’usine de production, une division recherche et développement, une autre ventes et marketing, l’administration, les stocks et 53 employés. «Il s’agit pour nous d’un énorme investissement, mais nous y trouvons notre compte», assure le directeur.

Aujourd’hui, faire venir un container de Shanghai à Gênes coûte dix fois plus cher qu’avant la pandémie.

Filippo Gallizia, directeur de Geomagworld

Disposer de toute la production en Suisse est une force importante, surtout en ce moment. «Aujourd’hui, faire venir un container de Shanghai à Gênes coûte dix fois plus cher qu’avant la pandémie», ajoute-t-il. Sans compter qu’une marque Swiss made est garantie de qualité, de sérieux, de sécurité, estime-t-il.

Geomagworld mise ainsi sur l’autonomie, contrairement aux autres acteurs du secteur qui développent et vendent leurs jeux, mais produisent tout en Chine. Une stratégie qui s’inscrit aussi dans une démarche environnementale. Prenons le plastique pour la confection des jouets qui est entreposé dans un autre magasin de 1500 m². Depuis 3 à 4 ans, les pièces de Geomag sont quasi toutes exclusivement produites avec de la matière recyclée à 100%, dont la moitié vient des rebuts de plastique.

Normes de sécurité

«Nous sommes une des deux ou trois entreprises dans le monde des jouets à procéder ainsi», souligne Filippo Gallizia. Le résultat d’un processus long et compliqué, mais dont il est fier. Notamment parce que les normes de sécurité dans le secteur des jeux en Europe et aux Etats-Unis sont très sévères. «Par exemple, avec des matériaux recyclés, le relâchement de substance chimique n’est pas facile à gérer.»

Toutes les machines ont dû être changées pour s’aligner aux standards environnementaux.

Filippo Gallizia, directeur de Geomagworld

Réaliser un produit de grande qualité avec une matière recyclée relève de l’exploit, soutient l’entrepreneur. «Toutes les machines ont dû être changées pour s’aligner aux standards environnementaux, notamment en économisant l’énergie, uniquement renouvelable», éclaire-t-il. «C’est plus cher, mais c’est notre choix.»

Un choix payant, puisque Geomagworld est devenue un des leaders mondiaux du jeu de construction magnétique malgré une jeunesse difficile. Dix ans après sa création, la société déposait le bilan. Rachetée par un groupe d’entrepreneurs en 2009, elle a retrouvé une santé de fer. Le jeu a reçu de nombreux prix et ne cesse de se renouveler (lire ci-après).

Au Japon et en Chine

Geomag est distribué via les petits magasins spécialisés, «toujours moins nombreux», la grande distribution, «toujours plus importante», les plateformes en ligne telles Amazon et Alibaba et les détaillants physiques comme Manor ou Globus. Environ 60 à 70% de son marché sont européens. La société compte deux filiales importantes aux Etats-Unis et en Australie. Elle est aussi présente au Japon. «Un marché très difficile, très sophistiqué, et une culture très sélective. C’est pourquoi y vendre est pour nous source de grande fierté.»

En Chine, il y a une demande de la classe plus riche pour des produits ayant une valeur éducative et qui ne sont pas chinois. «Les familles chinoises sont extrêmement attentives à l’éducation de leurs enfants, et très compétitives.»

Nous voulons être une marque classique, qui dure.

Filippo Gallizia, directeur de Geomagworld

Le défi principal de Geomagworld est de poursuivre sa croissance dans une perspective de durabilité au sein d’un marché très compétitif. Elle est l’une des rares sociétés de jeux en Europe à tenir tête aux géants comme Mattel, Lego, Nintendo, qui ont une énorme capacité d’investissement. Sa croissance est forcément plus lente. Si le chiffre d’affaires des deux dernières années s’est stabilisé, à environ 18 millions de francs suisses, Geomagworld prévoit de retrouver une tendance de croissance annuelle d’environ 10 à 15% dès 2022.

Durabilité nécessaire

«C’est pourquoi les prochains investissements serviront à adapter la capacité de production aux besoins de la croissance», se projette Filippo Gallizia. «Ils seront aussi dévolus, au niveau stratégique, au développement et à la production de nouveaux matériaux durables.» Des matériaux qui sortiront d’un nouveau site de production que l’entreprise va financer dès 2023.

Le monde du jeu est très volatil: des produits apparaissent et disparaissent sans cesse, fait valoir Filippo Gallizia. «Mais il y a aussi les jeux classiques, comme Monopoly, Lego, Playmobil. Nous voulons être une marque classique, qui dure.»

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