Ils sont encore sept. Selon nos informations, sept candidats au poste de procureur général de la Confédération seront auditionnés demain par la commission judiciaire du Parlement fédéral, chargée dans la foulée d'émettre une recommandation aux 246 élus fédéraux. Ces derniers choisiront le 28 septembre le successeur d'Erwin Beyeler qui, à la surprise générale, n'a pas été réélu à son poste le 15 juin dernier.
Dans les cantons aussi
Lors de leur grand oral, les candidats auront 40 minutes pour convaincre. Au risque de chercher à tout prix à plaire aux grands électeurs, et de rogner ainsi l'indépendance de la justice par rapport au politique? Depuis qu'Erwin Beyeler a trébuché, des magistrats et des élus s'inquiètent d'une politisation de l'élection du procureur général de la Confédération.
«La procédure, bien rôdée, est la même pour les juges fédéraux, je ne vois pas le problème», tranche le conseiller national Carlo Sommaruga (PS /GE). Par ailleurs, dans une majorité de cantons (VS, FR, VD, BE, notamment), le procureur général est également désigné par le Parlement. A Genève, c'est même le peuple qui le choisit, au terme d'une campagne menée sur la base de programmes électoraux. Son programme, axé sur la lutte contre les violences gratuites: voilà ce qui a permis à Fabien Gasser d'être élu procureur général du canton de Fribourg par le Grand conseil. En poste depuis janvier, le libéral-radical ne se sent pas pour autant pieds et poings liés. «Les candidats doivent se politiser pour passer l'élection. Mais ensuite, ils sont totalement indépendants», assure-t-il.
De toute manière, pour son collègue neuchâtelois Pierre Aubert, qu'importent les grandes déclarations de campagne, «l'impact personnel d'un procureur sur la politique judiciaire n'est pas aussi élevé qu'on le pense. Une fois que vous avez fait face aux plaintes déposées par les citoyens et aux découvertes de la police, vous êtes content d'arriver au terme de votre journée.» Il se dit d'ailleurs convaincu que les statistiques des affaires traitées révèlent une stabilité d'un procureur à l'autre.
Quand bien même, il a été lui-même choisi par le Conseil de la magistrature (l'instance qui exerce la surveillance de la justice dans le canton), Pierre Aubert estime en outre que l'élection du procureur général par le Parlement constitue le meilleur système. Il garantit selon lui une plus grande indépendance de la justice qu'une nomination par le gouvernement - comme c'était le cas en Suisse jusqu'en 2007. «Comme dans toutes les professions, il y a des magistrats médiocres, des mauvais et même quelques malhonnêtes», argumente le Neuchâtelois. «Il me paraît dès lors normal que les procureurs qui ne font pas bien leur travail ne soient pas réélus. Je préfère même une non-réélection injuste de temps en temps à pas de réélection du tout.»
Un «siège éjectable»
Cela ne va pas sans effets secondaires. Depuis l'éviction d'Erwin Beyeler, Fabien Gasser a ainsi la désagréable impression de se sentir assis «sur un siège éjectable», sans que cela influe pour autant sur son action au quotidien. «Sur le fond, cependant, il n'y a pas de raisons que le premier magistrat ne soit pas soumis à un contrôle régulier, comme c'est le cas des élus politiques.» A titre personnel, Fabien Gasser penche pour l'élection du procureur par un collège électoral. «Composé de connaisseurs, il me semble le mieux à même de juger la valeur des candidats. Même s'il n'est pas à l'abri de jeux politiques et qu'avec un tel système, je n'aurais jamais été élu.»