Dans un mois, Casa aura disparu du centre-ville de Neuchâtel. «C’est dommage, ça fera un trou. Comme je fais toutes mes courses à pied, ça me manquera.» Voilà comment réagissait Heidi, rencontrée ce samedi 14 janvier dans le magasin de décoration et d’ameublement en liquidation.

Lorsque nous annoncions cette fermeture, il y a quelques jours, le prix du loyer demandé pour occuper la surface en question a vite échauffé les esprits: 19 400 francs par mois sans les charges. «La rue du Seyon a beau être les Champs-Elysées de Neuchâtel, à ce prix-là, il faut vendre beaucoup d’articles pour payer le loyer, les salaires, le matériel, etc.», réagissait une lectrice sur notre site.

Du côté de Casa, on nous confirme que la location a lourdement pesé dans une décision qui était dans l’air depuis quelques années. «Le propriétaire menaçait d’augmenter le loyer, qui est déjà exorbitant. Nous n’aurions pas pu l’assumer», précise Marco Da Costa Sousa, directeur de Casa pour la France et la Suisse. Une baisse du loyer accordée durant le Covid n’aura fait que repousser une inéluctable hausse.

«Neuchâtel est une ville très chère», poursuit notre interlocuteur. «Nous y payons le même loyer que pour notre magasin du Centre Balexert, à Genève.» Ici comme ailleurs, «les propriétaires doivent faire un effort, car les temps sont difficiles pour le commerce de détail. Tout augmente et le client est plus prudent sur ses dépenses.»

«Signal très négatif»

«Certains loyers sont impayables, ou seulement par des banques ou des assurances», confirme François Engisch, président du syndicat des commerçants indépendants de détail à Neuchâtel. Il évoque des prix comparables à ceux pratiqués à Lausanne. Et supérieurs à ce que l’on voit à Morges, Nyon, Vevey ou, plus près de nous, à Bienne.

«Le départ de Casa est un signal très négatif», souligne François Engisch. «Cela confirme qu’il y a un problème avec le prix à la location et qu’une même mésaventure pourrait se produire avec Zara. Le bruit courait qu’ils ne faisaient pas assez de chiffre. Si une telle enseigne ou encore H&M ou Esprit venaient à partir, ce serait dramatique.»

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François Engisch, du syndicat des commerçants indépendants de détail à Neuchâtel. Photo: Lucas Vuitel

«Les grandes enseignes hésitent à venir à Neuchâtel parce que les loyers sont beaucoup trop élevés», relève pour sa part Bernard Schneider, président de l’association de commerçants Neuchâtel Centre. Cela implique aussi que «les petits commerçants qui se lancent ont de la peine à résister. Comme il faut cinq ans pour rentabiliser un commerce, il faut avoir les reins solides. Mais aussi un propriétaire qui accepte de négocier le loyer à la baisse.»

Le souvenir de Globus

Le problème n’est pas nouveau et l’intransigeance de propriétaires a déjà fait des dégâts. «Lorsque Globus était au centre-ville, ils auraient voulu rénover. Mais il aurait fallu que le loyer soit suspendu durant les travaux», raconte François Engisch.

Les choses se sont déroulées autrement. Le grand magasin est parti pour Marin Centre, avant de disparaître. Depuis, la Ville court après un tel «attracteur».

La situation sur le front des loyers ne s’est pas améliorée. En 2014, le rez-de-chaussée rénové de l’ex-Globus se louait à 480 francs au mètre carré par année. Aujourd’hui, l’emplacement encore occupé par Casa est proposé à 600 francs le m2.

A la Chambre immobilière neuchâteloise, on ne dispose pas de chiffres. Son directeur, Yann Sunier, estime que les locaux commerciaux de ce type se situent «dans une fourchette entre 400 et 600 francs par année. Mais à la grande époque, c’était jusqu’à 800 francs le m2.»

Un propriétaire que nous avons contacté évoque un autre problème. «Si le commerce dépérit à Neuchâtel, c’est parce que le pouvoir d’achat des gens a diminué. Notre canton s’appauvrit. Il a fallu 20 ans pour que nos autorités admettent l’exode des bons contribuables.» Malgré une prise de conscience et des mesures, les résultats se font attendre.

Noël triste et caisse-maladie

Un manque de vision et d’ambition de la part des autorités est déploré par nos interlocuteurs. Une décision récente de la Ville a, par ailleurs, mal passé. Celle de renoncer à la plupart des illuminations de Noël. «C’était triste», résume François Engisch. «Nous espérons qu’une telle catastrophe ne se reproduira pas.»

Pour finir, l’installation d’une caisse-maladie dans l’immeuble qui abrite Casa ne réjouit ni le président du commerce indépendant, ni celui de Neuchâtel Centre. Selon ce dernier, «occuper un rez-de-chaussée par des bureaux plutôt que par du commerce de détail fait perdre de l’attractivité au centre-ville.»

La fermeture de Casa et des loyers trop chers à Neuchâtel

Des loyers commerciaux aussi chers qu’à Lausanne. Le départ d’une grande enseigne du centre-ville de Neuchâtel relance le débat sur l’attractivité du canton et de sa capitale.