Je suis au paradis. Ou plutôt In Paradisum, mouvement à mes yeux le plus émouvant du «Requiem» de Fauré. C'est Vendredi saint et la collégiale de Neuchâtel pleure. L'?uvre invite à penser aux disparus, et à moi comme à vous, des êtres manquent. Et dans le même temps, elle rayonne, cette église, d'une tristesse lumineuse qui berce, qui enveloppe. L'auditeur frissonne tout en se blottissant dans des bras mystérieux et protecteurs.
Pourquoi donc aimé-je autant les musiques toutes de mélancolie? Seul un chagrin diffus autoriserait-il une forme de félicité? D'exaltation?
Non. Le lendemain, mon regard croise celui de mon fils qui, à ce moment-là, exulte autant que moi. J'ai même l'impression qu'il est surpris de me voir manifester ainsi ma joie. C'est vrai, cette émotion-là n'est pas de la même nature. Elle n'a pas la même intensité, la même profondeur. Encore moins faut-il parler de spiritualité. Mais frisson il y a.
Quel moment-là? En ce samedi, au stade de la Maladière, une équipe vêtue de rouge et de noir vient de marquer. Elle joue bien, s'engage à en perdre haleine, fait plaisir à son public. Me fait plaisir. Et je pourrais dire ici d'autres émotions, beaucoup plus fortes, dans cette même enceinte comme ailleurs, récentes comme anciennes, d'autres Paradisum qui sentent bon le jeu, l'effort, la victoire.
Les bonheurs compliqués, c'est bien. Les bonheurs simples aussi.