Petite, Océane Colom pratiquait assidûment la danse classique. Mais c’est comme chanteuse, sous le pseudonyme de Suzane, que cette native d’Avignon âgée de 31 ans s’est fait connaître. Elle se produira sur la grande scène de Festi’neuch ce dimanche 12 juin.

Montée à Paris pour tenter de faire carrière, elle s’inspire pour ses premières chansons des conversations des clients dans le bar où elle travaille. Repérée en 2017, elle sort ses premiers singles l’année suivante. Le succès est fulgurant: en 2019, elle donne 200 concerts en Europe et en Asie et joue dans 32 festivals. Sorti en 2020, son premier disque, «Toï Toï», deviendra disque d’or et lui vaudra d’être sacrée «Révélation scène» aux Victoires de la musique.

Votre dernier single, «Clit is good», parle de masturbation féminine, un sujet encore largement tabou. Quels sont les premiers retours?

J’ai senti que ça créait du débat. J’ai reçu beaucoup de remerciements de la part de femmes de tous âges et de toutes cultures pour avoir mis des mots sur une intimité qui parfois leur paraissait culpabilisante. Par contre, sur YouTube, le clip a été interdit aux moins de 18 ans quatre jours après sa sortie… Je trouve ça assez incohérent de censurer cette parole dans une société où les jeunes peuvent avoir accès, parfois malgré eux, à des vidéos pornographiques. Quand des artistes masculins racontent en chanson qu’ils se sont tapé plein de meufs et que c’était super, ça, ça ne pose pas de problème.

Vos textes sont très engagés au niveau féministe, est-ce qu’ils vous coupent parfois d’un certain public, notamment des hommes?

Ce ne sont pas des questions que je me pose. J’écris ce qui me semble urgent à écrire. C’est vrai que dans mes chansons il peut y avoir des choses un peu dures, comme dans le monde.

Après MeToo#, qui a qui a mis en lumière les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes, certains estiment qu’on est en train de revenir en arrière, qu’en pensez-vous?

J’entends encore des gens dire que les femmes sont bien là où elles sont et qu’elles doivent arrêter de faire les hystériques. Que le féminisme, c’est OK, mais pas trop agressif, qu’il faut que ça reste soft. Même quand on se bat pour nos droits, on essaie de nous dire comment on doit le faire. Ça me sidère.

En Francophonie, Angèle et Clara Luciani écrivent également des chansons très féministes. Est-ce que vous échangez avec elles?

On se connaît, oui. Mais c’est surtout qu’on est trois nanas à peu près de la même génération, qu’on vit en tant que femmes dans le même monde. Et donc même sans échanger, on sent dans nos textes qu’on vit les mêmes choses, comme le harcèlement ou la peine à trouver une place parce qu’on est des femmes.

A 22 ans, vous avez décidé de monter à Paris pour tenter votre chance dans une carrière artistique. Quel a été le déclic?

Je crois que j’ai toujours su, au fond, que je voulais écrire des chansons et monter sur scène. Et à un moment, j’ai senti que ce n’était pas juste un rêve d’enfant, mais que c’était vital. Le déclic, je crois que c’est simplement le moment où j’ai osé le faire. Les gens autour de moi étaient très inquiets de me voir partir comme ça, mais aujourd’hui, ils sont très fiers.

Vous avez connu une ascension fulgurante, puisque vous avez joué à l’Olympia pour le deuxième concert de votre vie, avant de partir pour une tournée en Asie…

En fait j’avais préparé cela toute ma vie, sans savoir si ça allait arriver. Un peu comme un athlète qui préparerait les Jeux olympiques. J’ai commencé par la danse, à raison de 35 heures par semaine, au point de m’en dégoûter pendant un moment. Puis les mots et l’écriture sont arrivés dans ma vie. Donc j’ai pris le temps de me construire, et de connaître des échecs, beaucoup d’échecs. Et j’ai eu la chance qu’au moment où j’étais prête à ouvrir le rideau, le public m’ait accueillie.

Plus jeune, vous avez été très influencée par la chanson réaliste, Piaf, Brel… Qu’écoutez-vous aujourd’hui?

C’est très dur de parler d’influences, parce que j’en ai tellement… La chanson française m’accompagnera toujours, mais j’aime aussi beaucoup l’electro, une musique dansante, cash et incisive. J’ai aussi beaucoup écouté de rap, notamment Orelsan, Diam’s ou MC Solaar. J’aime bien le côté «combat» qu’il y a dans cette musique. Et j’aime aussi les gros tubes pop.

Vous êtes en train de préparer un deuxième album, dans quel sens ira-t-il?

Pour ce deuxième album, le défi a été de donner un peu plus d’importance à la mélodie, sans perdre le fond, qui est le texte. Car je chante surtout pour le sens, avant de chanter pour le son.

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