Au centre de la salle d'audience, l'ancien assistant social de l'Office des tutelles accusé d'avoir escroqué une trentaine de personnes à sa charge, pour un montant de 1,16 million de francs. D'un côté, neuf avocats chargés de défendre les 29 plaignants de cette affaire, dont l'Etat lui-même. De l'autre, deux hommes mandatés par l'accusé, dont le très charismatique Jacques Barillon, passé maître ès déclarations fracassantes: «L'instruction a été scandaleusement menée à charge contre mon client!», a-t-il annoncé d'emblée, parlant même de «simulacre de procès de justice» et irritant la partie adverse par ses fréquentes prises de parole.
Dans ce climat électrique, le prévenu, accusé d'avoir pompé dans les comptes de ses pupilles en imitant leurs signatures et en falsifiant «plusieurs centaines» de quittances, a nié en bloc.
«J'essayais d'établir une relation humaine et de confiance avec les pupilles, et de leur rendre une certaine autonomie. Je suis très satisfait du travail que j'ai accompli avec eux.»
Mais comment expliquer que trente personnes qui n'ont apparemment pas de lien l'accusent de malversations?, s'est demandé le représentant du Ministère public Nicolas Aubert. Réponse du prévenu: un complot. «Ces gens sont suffisamment influençables pour se ranger du côté du plus fort...»
L'homme de 57 ans a admis tout au plus des inattentions: «Je peux avoir commis des erreurs, avoir échangé des quittances... C'est humain.» Les réponses du prévenu, vagues et parfois contradictoires par rapport aux premières déclarations à la police, ont eu le don d'irriter les neuf avocats des plaignants.
Les tensions entre les parties se sont poursuivies avec l'audition du premier témoin, l'inspecteur scientifique qui a mené l'enquête. Le spécialiste a été prié de commenter des quittances présumées falsifiées, sur rétroprojecteur.
Cet épisode a suscité un long débat sur la question de savoir si les retouches figurant sur les documents étaient de simples ratures ou des falsifications. «On est dans la subjectivité la plus totale. Ça ne suffit pas pour condamner un homme!», s'est offusqué Jacques Barillon. «1700 erreurs de suite, c'est un peu gros!», a clamé quant à lui l'un des mandataires des plaignants.
Deux autres témoins, le chef de l'Office des tutelles et l'ancienne secrétaire du prévenu, ont ensuite rappelé le «sérieux et le côté agréable» de l'accusé. «Il était aux petits soins avec ses pupilles.»
Cela suffira-t-il pour disculper le prévenu? Le procès devrait se poursuivre jusqu'à demain soir. Avec, aujourd'hui, l'audition des neuf témoins restants. /VGI