L'influence du réchauffement climatique sur la carte des vignes est régulièrement évoquée lors de colloques internationaux. Globalement, la maturation du raisin se fait mieux, avec une qualité supérieure. Cependant, de trop hautes températures peuvent avoir des conséquences négatives, comme la perte de typicité et de finesse aromatiques du vin, davantage alcoolisé. Même en Bourgogne, royaume du pinot noir, certains se demandent si l'avenir n'est pas à la syrah, cépage du chaud.
«Quand le pinot noir est trop mûr, le vin devient lourd et pâteux», estime Michel Schurch. Tout en soulignant que notre vignoble se situe à une altitude supérieure à celle des vignes bourguignonnes, le président de l'Association neuchâteloise des vignerons-encaveurs, Jean-Denis Perrochet, estime qu'on va plus vite que la musique.
«Je ne veux pas être passéiste et on arrivera peut-être, à long terme et petit à petit, à des cépages plus adaptés», admet le viticulteur d'Auvernier. «Mais je reste songeur quand on voit que des cabernets ou des merlots ont déjà remplacé des parcelles de pinot noir, de chardonnay, de pinot gris ou de chasselas. Des cépages typiques que le réchauffement permet enfin de laisser mûrir de façon optimale avant de les vendanger.»
Car voici 20 ou 30 ans, il fallait parfois récolter du pinot noir qui n'était pas mûr avant qu'il ne soit attaqué par la pourriture ou le froid. Avant de diversifier le vignoble neuchâtelois, Jean-Denis Perrochet pense qu'il faudrait «déjà faire mieux avec ce qu'on a», en exploitant plus finement la diversité et la qualité extraordinaires de nos terroirs.
Sans exclure un éventail élargi, le président de la Fédération neuchâteloise des vignerons, Jean-Paul Ruedin estime que le réchauffement ne nécessite pas d'accorder l'appellation d'origine contrôlée neuchâteloise (AOC) à d'autres cépages rouges que le pinot noir. Michel Schurch n'est pas opposé à laisser l'exclusivité de l'AOC Neuchâtel au pinot noir. Mais, se demande-t-il, «pourquoi importer du merlot ou des cabernets d'Amérique ou d'Afrique du Sud, alors que ceux-ci peuvent bénéficier de belles conditions sur les coteaux les plus ensoleillés et les terres les moins profondes du vignoble neuchâtelois?»
Sans critiquer, Jean-Denis Perrochet, lui, regrette que «tout le monde plante de tout.» Vaste débat commercial et philosophique. /AXB