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La séduction ambiguë du maître pakistanais

29 juin 2010, 11:09

CRITIQUE - PAR ALEXANDRE TRAUBE

Ustad Shafqat Ali Khan cultive la séduction de tout son être, par la voix exceptionnelle, le geste éloquent ou le regard hypnotique. Cette star de la musique soufie pakistanaise, qui se produisait dimanche à la Poudrière, représente une des grandes cultures musicales de la planète, l'art sacré pakistanais, mélange unique de modalité indienne et de poésie soufie.

Sa voix s'envole en d'envoûtantes mélopées ou scande des syllabes répétitives de manière extatique jusqu'à l'explosion vocale sur des mesures à 16 temps. Les poèmes évoquent le cri d'appel vers le Bien-Aimé lointain, employant les mots de l'amour humain pour parler de l'amour divin. Le tout rythmé par l'impressionnante percussion de Udai Mazumda au tabla.

En allant à ce concert, nous attendions tout cela. Nous attendions aussi que s'ouvre une perception autre du temps, du corps et de l'âme, ce qui est une fonction de cette musique, et cela, nous ne l'avons pas eu. Ce qui pouvait y concourir était de fait gommé par la starification et la technologie.

Le maître jouait avec son public comme une rock star et nous expliquait, avec bonne volonté, les fondements de son art. Certains verront là de la pédagogie, d'autres de la démagogie, son discours interrompant sans cesse le climat extatique de la musique, à la recherche des vivats. Les 100 décibels étaient souvent dépassés dans ce petit espace par une voix amplifiée à l'extrême.

Nous sommes surtout sévères car ce musicien est le dépositaire d'une grande tradition et a donc un grand devoir envers elle. Or, par son attitude d'extériorité et d'auto valorisation, il inverse les valeurs qu'il est censé incarner et trahit l'esprit de son art. Ce qui nous semble d'autant plus grave qu'il est un grand artiste. Et qu'ainsi par ses qualités techniques, il enthousiasme un vaste public, qui croit recevoir une plénitude en accueillant un message dans le fond perverti.

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