Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Eclairage: «Ne faisons pas de tri dans la mémoire»

Nos journalistes mettent en perspective des sujets d’actualité régionale, sportive, nationale ou internationale avec des analyses ou des éclairages. Aujourd’hui, Nicolas Willemin revient sur les «affaires» Louis Agassiz et Philippe Pétain.

21 nov. 2018, 17:01
Philippe Pétain, Louis Agassiz et Georges Loustanau-Lacau

Le premier est un scientifique neuchâtelois qui, après une brillante carrière comme zoologiste et géologue et une implication forte dans la mise sur pied de l’Université, se lança, aux Etats-Unis, dans des démonstrations fumeuses sur le créationnisme. Il ira jusqu’à vouloir démontrer une pseudo-hiérarchie des races en affirmant que les gens de couleur seraient les représentants d’une race inférieure.

Le deuxième est un général français, devenu maréchal grâce au rôle important qu’il a joué lors de la bataille de Verdun en 1916. Icône pour les anciens combattants car il était opposé aux grandes offensives meurtrières lancées par certains de ses collègues, il a cependant choisi, dès 1940, de collaborer avec le régime nazi.

Le troisième est encore un général français, héros de la guerre de 14-18 et grand résistant déporté à Mauthausen lors de la Seconde guerre mondiale, mais dont les écrits violemment antisémites publiés en 1938 ont conduit, au début de cette semaine, l’école militaire de Saint-Cyr à débaptiser une promotion d’élèves officiers qui portait son nom.

Louis Agassiz, Philippe Pétain et Georges Loustaunau-Lacau sont passés de la gloire à la honte. Et leur mémoire continue, plusieurs décennies après, d’être entachée de la souillure de leurs dérapages. Et tous ceux qui souhaitent faire une sorte de tri dans cette mémoire en mettant plutôt en avant les épisodes glorieux que les dérapages scabreux se prennent les pieds dans le tapis.

Oui, Agassiz peut être considéré aujourd’hui comme un intellectuel raciste, même si ses théories étaient à l’époque dans l’air du temps. Oui, Philippe Pétain restera le traître qui a traité avec Hitler, même si, en 1940, une grande majorité des Français le soutenaient. Et oui, les écrits immondes de Georges Loustaunau-Lacau resteront comme une tache indélébile, même si, en 1938, des articles de ce genre étaient publiés dans de nombreux journaux français.

Personne ne peut faire son marché dans la mémoire. Si celle-ci a des taches, elle est entièrement souillée. Et il devient difficile de vouloir honorer des personnes pour des actions glorieuses en occultant un pan de leur personnalité. Que ce soit pour une rue, une cérémonie commémorative ou une promotion d’élèves.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias