On reste pantois devant la beauté des céramiques de Roger Equey. Actuellement exposés à la galerie Jonas, à Cortaillod, ses vases de taille variable aux formes ancestrales, rondes, d'une parfaite harmonie, sont constellés de nucléations ou de cristallisations. Ces explosions surviennent après la pose de l'émail, lorsque les pièces refroidissent, lentement.
L'artiste, qui vit et travaille à Yverdon, est un spécialiste de ces explosions, de ces dessins faits de pigments de cobalt, de fer ou de cuivre giclés sur le grès déjà cuit. De longue date il y travaille, cherchant à apprivoiser ces formes, à maîtriser leur taille et leur couleur. Elles ont quelque chose de céleste, de fabuleux: ?illets, minuscules champignons atomiques, fleurs magiques, nuages effrayants, elles fascineront le visiteur rêveur. Ces ?uvres ont quelque chose de cosmique, fruit d'un labeur d'artiste passionné. La cuisson ayant parfois raison de l'intégrité des vases et les constellations se plaisant à n'en faire, en partie, qu'à leur tête, l'artiste se doit d'être humble et talentueux. Mais nul doute sur cela, ce savant a sans doute le don de faire du hasard son ami.
Les tons des pièces sont doux et vifs à la fois: fond ocre avec constellations bleu ciel, fond beige clair et cristallisations turquoises... les accords sont toniques et sensibles.
L'artiste, d'un âge de sagesse, pense qu'il s'agit peut-être là de sa dernière exposition mais nous ne pouvons qu'espérer que ses petites nucléations fabuleuses le rappellent au travail...
Aux côtés de ces céramiques, veille sur le visiteur, une belle série de peintures à la tempera (mélange de pigments naturels, d'eau et de colle). Intimistes, elles nous invitent à entrer dans ses placards, où reposent bols, vases, coupes et plats. Sur une table pas très loin, un poisson dans son bocal nage dans toute sa rougeur et plus loin, un vase jouant de sa transparence malicieuse (ayant gagné l'intérêt de l'artiste jusqu'à lui faire couper la tête du bouquet en question) interpelle le spectateur. Une nappe aux motifs en ocelles attire notre attention, puis ce sont les dessins d'un bol sur lequel notre regard se pose... jusqu'à en oublier le sujet de la peinture.
C'est sans doute l'intérêt principal de cette peinture, cette manière théâtrale d'inviter nos yeux à l'abstraction. Natures mortes prétextes à un jeu de motifs et de couleurs. Iberia Lebel, mère de ces ?uvres, habite et travaille à Amiens, au nord de la France. Elle ne cache pas son goût pour les armoires chinoises, les laques et l'esthétique orientale. / ofu
Cortaillod, galerie Jonas, jusqu?au 22 avril