Charles Barraud (1897 - 1997) a peint les maisons de Cortaillod nimbées d'une douceur étrange, comme désertées, avec des façades aux fenêtres aveugles refermées sur quelques secrets de famille. Ce sont ses premiers paysages, prémices aux «Villages du Midi» à l'origine de sa renommée.
Son épouse, Jeanne Barraud-Pellet (1907-2000), dite Janebé, peint à la spatule les rives de l'Areuse et des figures féminines sculpturales dans une lumière nette, contrastée, d'une violence retenue et sans appel. Par la suite, sa palette s'éclaircira, le trait s'assouplira, mais on trouve déjà toute la puissance de ses natures mortes ultérieures.
Les cheminements parallèles des deux artistes sont mis en perspective au fil d'un parcours à voir jusqu'à dimanche à la galerie Jonas de Cortaillod. Auteur de plusieurs ouvrages sur la dynastie des peintres Barraud, l'artiste Gérald Comtesse est le maître d'uvre de l'exposition.
Provenant principalement de deux collections privées, l'une bâloise et l'autre neuchâteloise, les quelque 40 toiles accrochées couvrent la période 1940-1950, «une décennie cruciale pour le couple», relève Gérald Comtesse. En mai 1940, Jeanne et Charles Barraud quittent les Montagnes neuchâteloises pour s'établir à Areuse puis à Cortaillod. Là, ils semblent portés par la lumière du Littoral qu'ils apprivoisent chacun à leur manière. «Jeanne, d'un caractère bien trempé», précise dans un demi-sourire Comtesse qui fut l'élève de l'artiste, «affirme son style dans une pâte somptueuse qui révèle son sens de la monumentalité.» Aîné des quatre peintres Barraud, Charles, «d'un naturel rêveur», trouve dans les rues de Cortaillod l'inspiration au jeu de façades géométriques qu'il développera plus tard dans le Midi de la France. C'est ici également qu'il commence ses compositions de personnages empreints de poésie et de tendresse.
L'exposition raconte ce couple d'artistes ancré dans son époque, avec pour décor des lieux étrangement familiers pour le public neuchâtelois. Quant aux autres visiteurs, très nombreux à accourir de Suisse alémanique notamment, ils découvrent ou redécouvrent deux acteurs majeurs et trop souvent méconnus de la scène artistique helvétique.
Galerie Jonas
Petit-Cortaillod, ouvert jusqu'au 21 août, de 14h à 18h, tél. 032 842 51 21