On est tous d'accord: le drame de Boudry est un accident. Il est le résultat tragique d'une confusion et d'une bêtise, et jamais ce pistolet n'aurait dû être chargé ou manipulé.
Mais on ne peut pas juste écrire cela et tourner la page en répétant que les Suisses ont, il y a moins d'un an et au nom des traditions, rejeté en votation populaire l'initiative «Pour la protection face à la violence des armes». Ce serait oublier que dans le canton de Neuchâtel (où le texte avait été accepté), l'arme militaire a pris cinq vies depuis 2007: deux épouses tuées par leur conjoint, deux suicides, et enfin l'accident de ce week-end. Trop, c'est trop!
Arrêtons de dire que les maris violents se serviraient d'un couteau s'ils n'avaient pas leur fusil sous la main, ou que les dépressifs trouveraient un autre moyen de mettre fin à leurs jours! Dimanche à l'aube, si ce pistolet militaire s'était trouvé dans un arsenal, et non dans l'armoire de son propriétaire, un jeune homme de 23 ans serait encore en vie aujourd'hui. C'est aussi simple que cela.
L'armée a beau renvoyer la balle (sic!) à la justice civile, elle doit absolument se questionner à nouveau - le meurtre de Saint-Léonard le montre également - sur la capacité des jeunes adultes à conserver en toute sécurité leur arme à la maison. Des jeunes adultes qui, à force d'appuyer sur les gâchettes de joysticks et d'autres pistolets factices, ont peut-être tendance, dans une société où la frontière entre le réel et le virtuel s'estompe, à oublier qu'une arme, ça peut vraiment tuer. Et que c'est même fait pour ça.
Alors aussi longtemps que les Suisses s'entêteront dans leurs traditions obsolètes, c'est sûr: des morts inutiles, il y en aura d'autres.