Orane Burri et Robin Erard sont aussi jeunes que les opposants à la lex Netflix. Elle et il sont cinéastes et défendent la position du Conseil fédéral et du Parlement. La nouvelle loi sur le cinéma prévoit que les services de streaming doivent investir 4% du chiffre d’affaires qu’ils réalisent en Suisse dans la création cinématographique de notre pays. Ils devront en outre réserver 30% de leur catalogue à des séries ou des films produits en Europe.

«Il est étonnant que les gens très libéraux s’opposent à cette loi.» Robin Erard pointe du doigt les partisans du référendum. «C’est comme si une entreprise américaine venait pomper l’eau du lac de Neuchâtel gratuitement pour la revendre aux Neuchâtelois sans qu’on lui demande quoi que ce soit en échange. Les fruits de la vente financeraient le pompage d’eau à Hollywood. Tout en faisant concurrence aux entreprises locales qui, elles, doivent faire des réinvestissements dans la région.»

Des choses plus originales

«Le fait d’avoir plus de marge de manœuvre permet de faire des choses différentes, originales», renchérit Orane Burri. Et de citer en exemple la série «Dark», diffusée par Netflix. «Elle a cartonné. Son réalisateur et scénariste Baran bo Odar est Suisse, mais la série est faite en Allemagne.»

Sur le plan créatif, c’est une belle opportunité. Sur le plan économique aussi. Pas seulement pour les gens qui font du cinéma.

Orane Burri, réalisatrice neuchâteloise

Elle se projette aussi sur les possibilités de renouvellement de la création. «Les acteurs culturels vont pouvoir proposer davantage d’idées dédiées à un public plus jeune. Il y aura une offre supplémentaire de choses intéressantes. Nous avons un canton magnifique, plein de décors, de talents, d’idées, de culture, de films de genre aussi, avec le Nifff. Sur le plan créatif, c’est une belle opportunité. Sur le plan économique aussi», plaide la réalisatrice.

«L’enjeu de cette loi – 18 millions en plus pour faire du cinéma – reste un petit montant. 'Euphoria', série américaine qui a cartonné, c’est 11 millions par épisode», relève Robin Erard. «Nous ferons des séries plus proches de ce que font les Danois.»

L’exemple du Danemark

Le pays scandinave introduira prochainement une taxe de 5% sur les plateformes. «Ils font du cinéma qui s’exporte. Nous voyons du cinéma danois aux Etats-Unis. Ça pousse à la qualité», assure-t-il.

La série 'Squid Game' n’a pas coûté très cher. Elle a fait 135 millions de spectateurs. Aucun film en salle ne le fait.

Robin Erard, réalisateur neuchâtelois

«Les Coréens ont très bien compris ça. Leurs séries et leurs films cartonnent. Ça parle bien de la société et des problèmes coréens. Mais par l’universalité du propos et l’accès à la diffusion à travers des plateformes, ils arrivent à atteindre ces marchés qui, par le passé, étaient inaccessibles», explique le cinéaste.

«La série 'Squid Game' n’a pas coûté très cher. Elle a fait 135 millions de spectateurs. Aucun film en salle ne le fait.»

Garder les jeunes talents

«Si nous voulons garder des talents et leur donner les moyens de les développer ici, cette loi fait partie des choses qui peuvent le permettre. Une série comme ‘La Casa de papel’ pourrait enfin se faire en Suisse», estime Orane Burri.

«La culture est là pour représenter notre identité. Si nous n’avons plus les représentations de notre quotidien, nous ne nous sentons plus concernés», dit la Neuchâteloise.

«C’est à La Chaux-de-Fonds qu’une bonne partie des films documentaires suisses sont étalonnés et terminés. C’est de l’argent qui arrive sur le canton. Je suis contribuable. Je dépense mon argent et paye mes impôts ici. Les gens qui ne connaissent pas la culture ne comprennent pas qu’il y a une pyramide de gens qui travaillent. Il y en a beaucoup à La Chaux-de-Fonds. Pour ma part, l’an dernier, j’ai dû m’assujettir à la TVA parce que je gagnais trop bien ma vie», rapporte Robin Erard.

«Il y a une perception comme quoi la culture ne fait que coûter et ne rapporte rien. Si c’était le cas, Netflix ne ferait pas de film.»

Lex Netflix: «La culture, ça rapporte», plaident les pros du cinéma neuchâtelois

Le peuple décidera du sort de la loi sur le cinéma le dimanche 15 mai. Trois professionnels neuchâtelois plaident pour le oui et démontent les arguments des référendaires.