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Les prisons de Piranèse, un miroir tendu au Minotaure

18 déc. 2008, 09:52

De sombres architectures, imposantes et improbables. Sous les voûtes immenses, les escaliers ne semblent mener qu'à d'autres escaliers. Un monde carcéral imaginaire, un décor oppressant de poutres et de poulies, d'instruments de torture, de tourelles et de ponts-levis. De rares trouées sur le ciel, comme à jamais inaccessible. Le Centre Dürrenmatt Neuchâtel (CDN) a accroché les «Carceri» («Prisons imaginaires») de Giovanni Battista Piranèse aux murs du sous-sol. Les onze «Fantaisies sur le thème du Minotaure» de Dürrenmatt leur font face. Un «dialogue» déstabilisant et intranquille entre eaux-fortes et lavis, par-dessus un fossé de plus de deux siècles.

«En 1975, Dürrenmatt a appris que la galerie Ditesheim exposait à Neuchâtel la série complète des «Carceri», raconte Janine Perret Sgualdo, directrice du CDN. «Il aurait voulu acquérir les seize tirages, or six seulement étaient invendus. Par la suite, il arrivera à en réunir onze». Aujourd'hui prêtées par Charlotte Kerr Dürrenmatt, ces onze gravures ont toutes été tirées du vivant de Piranèse.

Thème obsessionnel dans l'œuvre de Dürrenmatt, le Minotaure se mire sans peine dans les prisons labyrinthiques de l'architecte et graveur italien. «La qualité du trait, mais aussi cette thématique de l'enfermement ont suscité l'intérêt de Dürrenmatt pour les «Carceri». Janine Perret Sgualdo rappelle que d'autres thèmes encore de Piranèse, la tour ronde par exemple, furent source d'inspiration pour l'artiste du vallon de l'Ermitage.

Dans le mythe du Minotaure, créature monstrueuse «emprisonnée», condamnée à la solitude du labyrinthe, Dürrenmatt a trouvé l'une des métaphores de notre condition humaine. «Le monde auquel je suis livré, je le représente comme un labyrinthe», a-t-il écrit. «Le monde tel que je le vis, je le confronte avec un contre-monde, tel que je le pense».

Thésée s'aventurera dans le labyrinthe pour tuer le monstre, le récit mythique a inspiré à Dürrenmatt «La ballade du Minotaure», une nouvelle illustrée par neuf lavis à l'encre de Chine. Le Minotaure, c'est aussi le fruit d'un accouplement contre nature, entre un taureau destiné à Poséidon et la reine Pasiphaé, épouse de Minos. Les «Fantaisies» de 1975 illustrent la conception, la naissance, puis la mort de la créature hybride. Nulle trace visible du labyrinthe ici, mais une mise en exergue de la sexualité et de l'animalité. La série nous confronte crûment avec cette transgression.

Neuchâtel, Centre Dürrenmatt, jusqu'au 8 février

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