S'ils sont venus au-devant de la presse, c'est que la situation est grave: «C'est l'escalade. La situation n'est plus économique, mais est devenue politique et émotionnelle, avec pour conséquence une perte de crédibilité de la place industrielle suisse», constate Michel di Bernardo, qui représente une entreprise neuchâteloise. Les décolleteurs n'ont pas voulu que le nom de leur entreprise soit publié: «Il y a parmi nous des sociétés membres de grands groupes, et ceux-ci ne souhaitent pas apparaître...», a précisé Jean-Daniel Renggli, secrétaire de l'AFDT.
La raison de leur appel? «Nous avons besoin de matière. Pas dans six mois, mais demain», martèle Dominique Lauener, qui avait rencontré deux heures durant, la veille, le président du groupe Swissmetal. Et quand on l'interroge sur la possibilité de se fournir en matière auprès de la société allemande Busch-Jaeger, dont le rachat par Swissmetal a été annoncé hier, le patron neuchâtelois est catégorique: «La seule entreprise qui est apte à nous fournir de la matière lundi, c'est Reconvilier! Et pour certains alliages, on ne peut pas s'approvisionner ailleurs. Et tout le monde vous le dira: la Boillat fabrique le meilleur laiton au monde.»
Les décolleteurs sont unanimes: la Boillat maîtrise des mélanges que n'ont pas ses concurrents. Certains clients ont même développé avec elle des spécialités, introuvables ailleurs. Déjà, un certain nombre d'entreprises ont dû stopper leurs machines, relève de son côté Manfred Laubscher, représentant de Swiss Precision: «Elles ne peuvent plus livrer à leurs clients».
Prenant clairement leur parti, celui de la sauvegarde de l'emploi dans l'Arc jurassien, les décolleteurs ont tiré à boulets rouges sur les responsables de Swissmetal: «On ne leur fait plus confiance, insiste Dominique Lauener. Un CEO qui a deux grèves sur le dos doit en tirer les enseignements et partir.» Un autre patron renchérit: «On ne trouve que de purs financiers à la tête de ce groupe, et pas un seul industriel.»
Les décolleteurs placent tous leurs espoirs dans le médiateur, le chocolatier Rolf Bloch, agréé par toutes les parties. Racheter la Boillat semble, par contre, un objectif peu réalisable, en tout cas à court terme. «Nous, ce qu'on veut, c'est livrer nos clients». Point barre. /FRK