Même si elle a assoupli les mesures anti- covid depuis un mois, l’Italie ne lèvera l’état d’urgence sanitaire que le 31 mars. Le pass sanitaire par exemple reste exigible dans la plupart des lieux. Victime de ce serrage de vis, le tourisme d’achat du Tessin vers l’Italie va-t-il reprendre au gré de la levée des restrictions? Pas si sûr. «Ces deux dernières années, avec la peur qu’on nous a inculquée, j’ai vieilli de 15 ans», se plaint Carla, 82 ans.

Avant la pandémie, elle avait plaisir à prendre la voiture et traverser la frontière pour aller faire ses courses en Italie voisine. «Maintenant, avec toute cette insécurité et les règles en Italie qui changent sans cesse et qui ne sont pas toujours claires, je préfère rester en Suisse, même si c’est moins sympathique et plus cher. Je mange moins de viande.»

Mère de trois enfants, Martina a aussi changé ses habitudes. Depuis la fin du confinement, la Tessinoise a recommencé à aller une fois par semaine faire ses courses dans une grosse épicerie à Intra en Italie, à une heure de route de chez elle. «Mais on ne va plus deux-trois fois à Cannobio, tout de suite après la frontière. On a commencé à acheter les légumes au supermarché, ici, d’autant que les prix ont baissé pendant le confinement.»

Les restaurants aussi

Directeur du supermarché Iper dans la province frontalière de Varèse, un des plus populaires pour les Tessinois, Moreno Giuseppe Luparelli constate qu’en effet, quelque chose a changé. «Entre juin et août 2021, après la fin du confinement italien, nous avons enregistré une baisse de 25 à 15% par rapport à la même période en 2019.

Celle-ci a progressivement diminué pour atteindre 8-10% en début d’année», rapporte-t-il. Ces pertes ont pu être mesurées grâce à la carte client «Vantaggi» et les facturations sans taxe, réservées aux touristes, explique-t-il.

Les restrictions générées par le certificat de vaccination limitent leur accès à ces lieux, où ils s’arrêtaient, pour boire un verre, prendre un café, manger un morceau, après avoir fait leurs courses.

Moreno Giuseppe Luparelli, directeur du supermarché Iper dans la province frontalière de Varèse

Non seulement le supermarché, mais les restaurants et les bars au sein de l’établissement pâtissent encore davantage de l’absence des résidents tessinois. «Les restrictions générées par le certificat de vaccination – désormais supprimé en Suisse – limitent leur accès à ces lieux, où ils s’arrêtaient, pour boire un verre, prendre un café, manger un morceau, après avoir fait leurs courses».

En octobre dernier, Iper a créé une carte de fidélité pour les résidents suisses, avec des réductions. «Mais, vous savez, en période de pandémie, le succès de nos stratégies n’est pas garanti», explique l’entrepreneur, soulignant que les Tessinois «viennent en Italie pour le large choix de produits, les services de restauration, mais aussi pour faire des économies».

A 80% dépendant de la clientèle suisse

Président de l’Association italienne des communes frontalières et maire de Lavena Ponte Tresa, à quelques kilomètres du Tessin, où les commerces dépendent en moyenne à 80% de la clientèle suisse, Massimo Mastromarino observe pour sa part qu’entre juin 2021 et la mi-décembre, le tourisme d’achat avait plutôt bien repris. «Or depuis la mi-décembre, de nouvelles restrictions ont été adoptées, et cela a changé la donne.»

L’économie de frontière risque de souffrir encore davantage d’autant que, depuis un mois, la quasi-totalité des restrictions ont été levées en Suisse. «Auparavant, les mêmes exigences étaient en vigueur en Suisse, ce qui était plus juste.» Mais avec l’abolition des mesures anti-Covid côté suisse et leur maintien jusqu’à fin mars côté italien, c’est toute l’économie frontalière italienne qui risque de périr. Non seulement les Suisses se rendront moins en Italie, mais de nombreux Italiens iront consommer en Suisse.

Massimo Mastromarino rappelle qu’en Italie, l’état d’urgence est prolongé jusqu’à la fin du mois, de sorte que le super greenpass ou le greenpass – respectivement l’équivalent des 2G (vaccinés ou guéris) et 3G (vaccinés, guéris ou testés) suisses – est exigé pratiquement partout, y compris dans les bars, les restaurants, les transports publics et commerces.

10 milliards de manque à gagner en Suisse

Même si les résidents frontaliers suisses bénéficient de dérogations – sont autorisés les déplacements transfrontaliers, effectués par des moyens privés, pour une durée maximale de 48 heures à une distance maximale de 60 km du lieu de domicile –, ils traversent moins en Italie. «Initialement, à cause d’une augmentation préoccupante des cas d’infections de part et d’autre de la frontière fin 2021.»

Avant la pandémie, le tourisme d’achat représentait un manque à gagner pour le commerce de détail suisse d’environ 10 milliards de francs, «engendrant des répercussions énormes, en particulier sur les régions frontalières», affirme Nora Egli, porte-parole de l’association faîtière du Commerce de détail. «Après le lockdown et avec l’ouverture des frontières, la situation est revenue à la normale partout. Mais seul l’avenir nous dira si des changements d’habitudes à long terme se produiront.»

La restauration neuchâteloise a bien résisté à la pandémie

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