Le réseau postal suisse est sur le point de tourner la page des fermetures d’offices. Des responsables régionaux nous ont invités à faire le bilan et esquisser les perspectives dans le canton de Neuchâtel.

C’est à marche forcée que la Poste a continué à réduire le nombre de ses offices au cours des quatre dernières années. Mais cette politique, qui a suscité des levées de boucliers, a atteint ses limites.

La stratégie 2021-2024 ne prévoit plus de telles mesures. Après les économies sur les charges fixes, le temps est venu d’agir sur les recettes pour compenser la baisse d’activité aux guichets. En facturant davantage certains services à la clientèle ou en louant des surfaces dans les offices.

Nous faisons le point avec Jean-Luc Payot et Bernard Pantillon, qui pilotent la région Arc jurassien et Genève, ainsi que le secteur Neuchâtel chez RéseauPostal. Porte-parole de la Poste pour l’Arc jurassien, Corinne Tschanz a aussi participé à notre entretien.

Est-ce la fin du démantèlement du service public s’agissant du réseau postal?

Jean-Luc Payot Il ne s’agit en aucun cas de démantèlement. Il y a eu des changements dans les habitudes des gens et dans les volumes d’affaires. Notre réseau a dû s’adapter. Si nous n’avions pratiquement que des filiales en exploitation propre il y a 20 ans, nous en avons désormais en partenariat. Mais aussi le service à domicile et des automates à colis My Post 24. La Poste s’est rapprochée de la population en offrant des services plus flexibles. Il y a certes moins d’offices de poste, mais nous avons augmenté le nombre de points d’accès.

Corinne Tschanz Nous avons remplacé chaque filiale postale. Une transformation d’office est émotionnelle. Mais quand les gens ont testé la filiale en partenariat, ils ne reviendraient pas en arrière. Ils ont accès à pratiquement toutes nos prestations, avec des horaires plus étendus. Grâce à ce système, la Poste a par ailleurs contribué à maintenir des petits commerces et donc à soutenir l’économie régionale.

Les agences en partenariat sont pourtant plus fragiles qu’un office…

Bernard Pantillon Il y a des commerces qui ouvrent et d’autres qui ferment. A La Chaux-du-Milieu, par exemple, il y a eu un changement de titulaire et la Poste est restée. A Lignières, lorsqu’un petit commerce a ouvert, il a pris le relais du service postal à domicile. Ces commerçants nous disent combien ils apprécient de collaborer avec nous. Ça leur apporte un revenu supplémentaire.

Le canton de Neuchâtel comptait encore 83 offices de poste en 2001. Il en reste 26. Où va-t-on?

Jean-Luc Payot Il restera 24 offices de poste à la fin de l’année, lorsque La Chaux-de-Fonds Les Eplatures et Les Verrières auront été transformées en filiales en partenariat. Compte tenu de ce dernier changement, il a été décidé de garder l’office de La Brévine. Nous achevons ainsi un travail lancé en 2017, sans licenciement. Notre réseau sera stabilisé à ce niveau et seules des modernisations d’offices pourront intervenir d’ici à 2024. Je précise qu’en 20 ans, le nombre de nos points d’accès dans le canton est passé de 89 à 114.

La Poste modernise ses offices, comme ici au Locle. Photo: SP

Il reste le cas de l’office de Serrières, à Neuchâtel, dont la fermeture était annoncée…

Bernard Pantillon Il est exclu de transformer Serrières sans solution alternative. Et pour l’instant, nous n’en avons pas. Nous devons trouver un partenaire. Avec un tel bassin de population, le service à domicile n’est pas une option.

Jean-Luc Payot L’Etat de Neuchâtel construit à Tivoli, non loin de là. Il y aura peut-être des synergies possibles.

Une pétition avait réuni 14 000 signatures contre la fermeture de cet office, ainsi que de ceux de La Coudre, Vauseyon et de l’Ecluse. La commune de Milvignes s’était aussi fortement engagée pour sauver les offices d’Auvernier et de Bôle. Et pourtant, rien n’y a fait…

Jean-Luc Payot Ces mobilisations, comme d’autres, n’ont pas été vaines. Cela a probablement influencé la stratégie de la Poste. Les fermetures d’office ont pu susciter de l’émotion parmi la population et nos collaborateurs. Mais c’est du passé. Après une politique de diminution des coûts, nous allons chercher de nouvelles recettes pour diminuer le déficit du réseau postal.

Nous sommes en discussion avec des banques, des assurances ou encore des autorités.

Jean-Luc Payot, responsable chez RéseauPostal

Quelle est la stratégie qui va s’appliquer en Suisse et dans le canton de Neuchâtel?

Jean-Luc Payot Nous voulons attirer des partenaires dans les offices postaux. Des sociétés pourraient profiter de notre réseau, le plus dense du pays. Nous sommes en discussion, au niveau suisse, avec des banques et des assurances. Sur le plan régional, nous visons les petites et moyennes entreprises qui aimeraient un contact physique avec leur clientèle. Ou encore des autorités qui voudraient être moins centralisées.

Bernard Pantillon Le canton de Neuchâtel est dans une position favorable. La Poste a l’obligation d’assurer un accès dans les 20 minutes à pied ou en transport public à une filiale pour 90% de la population. Dans le canton, ce taux est excellent, puisqu’il est de 97%.

Nous avons pu être vus comme le grand méchant loup. Mais notre message est en train de passer.

Jean-Luc Payot, responsable chez RéseauPostal

Vous avez aussi des locaux sous-utilisés, comme à la Poste principale de Neuchâtel…

Bernard Pantillon Oui. A Neuchâtel et ailleurs, nous avons renoncé aux chocolats et à d’autres produits, dont les assortiments étaient décidés à Berne. Cela a libéré des surfaces pour des offres de produits régionaux et de la location pour des tiers.

Jean-Luc Payot Plutôt que de déménager, il est préférable de mieux rentabiliser l’espace. Si nous voulons stabiliser notre réseau à plus ou moins 800 offices après 2024, nous devons devenir des centres de services. Nous allons faire le lien entre le numérique et le physique en développant une activité de conseil, basée sur l’image de confiance qui est la nôtre. Alors que nous avons pu être vus comme le grand méchant loup et que le dialogue était parfois tendu avec certaines communes, notre message est en train de passer.

Comment les employés vivent-ils ce changement?

Bernard Pantillon La majorité fait preuve d’ouverture. Les plus âgés ont déjà fait de grands pas. Pour caricaturer, on peut dire que l’on passe de vendeurs à conseillers. C’est valorisant, même si cela demande de se former.

Jean-Luc Payot Nos collaborateurs ne vont pas devenir des banquiers ou des vendeurs d’assurances, mais nous continuerons à augmenter leurs compétences. Je ne cesse d’ailleurs de leur dire de ne pas se voir comme des postiers. Ce qu’ils ont accompli ces 20 dernières années est très important. Très peu de sociétés privées l’ont fait. Le dynamisme que j’observe à l’interne est loin d’une image poussiéreuse de la Poste ou d’une entreprise qui démantèle. Nous conservons notre mandat de service public. Mais nous devons réussir notre nouvelle stratégie.

La Poste en a fini avec les fermetures dans le canton de Neuchâtel

En 20 ans, le nombre d’offices postaux est passé de 83 à 24 dans le canton de Neuchâtel. Le géant jaune veut désormais consolider le réseau avec de nouveaux revenus.