Darius Rourou croit en l'immense pouvoir de la musique, qu'il côtoie depuis l'enfance et qui l'a aidé à se reconstruire après le cauchemar vécu dans son pays d'origine. «Beaucoup de gens pensent qu'après ce que j'ai vécu, je devrais être dans un asile psychiatrique, confie-t-il. J'ai réussi à transformer la souffrance en bonheur. Les horreurs, on les a déjà vécues, on ne va pas les traverser une deuxième fois. Il faut changer». Et pour Darius Rourou, changer c'est passer par la musique, c'est partager les émotions avec un public, parce qu'elles sont moins lourdes quand on est nombreux à les porter. C'est dans ce but, et parce qu'il croit très fort qu'un jour tout le monde aura les mêmes droits et les mêmes chances, qu'il a créé le festival Human Fest (voir encadré): «une petite goutte dans l'océan», commente-t-il.
Arrivé en Suisse avec de faux papiers et titulaire d'un permis B, Darius Rourou n'est jamais retourné dans son pays. «Je suis venu chercher la sécurité en Suisse. Dans mes chansons, je me montre très critique envers la politique de là-bas. Je ne retournerai au Rwanda que le jour où il y aura un gouvernement qui pourra accepter mes textes», sourit-il.
Le cas de son compatriote Révérien Rurangwa le touche tout particulièrement: «Ce serait une honte, surtout pour un pays qui a une telle tradition humanitaire, de le renvoyer. Les Rwandais qui l'ont défiguré sont toujours là, rien n'a changé et pour lui c'est déjà une torture. Je raisonne là comme un Suisse et je sais que les Suisses ne veulent pas le voir remonter dans l'avion. J'ai vécu des choses semblables, mais pour lui ça a été bien pire. Il est mort et puis il a ressuscité».
Darius Rourou parle en mystique, ses propos trahissent une foi profonde. Mais il ne croit pas en un «dieu public». «Je crois en l'au-delà de l'au-delà: même si la science explore le ciel, il y aura toujours des questions auxquelles elle n'apportera pas de réponses. Ma force vient d'un dieu dont nous faisons tous partie». Et cette énergie qui l'habite, qui lui a permis de continuer à vivre, chacun la possède en lui. «Dieu donne la même force à tout le monde», affirme-t-il, vénérant au passage quelques prophètes, tels Bob Marley ou Albert Einstein...
Et la musique participe de cette même énergie. «Qu'on y soit attentif où qu'on écoute à peine, la musique nous traverse, elle est sans fin, on n'y échappe pas». Une dimension cosmique entrevue peut-être dans les églises de son enfance, où Darius Rourou a été initié aux chants grégoriens et au gospel, avant de se tourner vers la musique traditionnelle rwandaise. «Je me suis mis à composer en 1995 car j'ai senti que j'avais des choses à dire». Sa rencontre avec Jean Paul Samputu, légende de la musique rwandaise lui a permis d'enregistrer quelques titres. «En Suisse, c'est devenu beaucoup plus difficile. La musique traditionnelle n'intéressait qu'un public restreint et moi, je voulais toucher beaucoup de gens. Alors j'ai développé mon reggae. J'ai toujours vécu avec Bob Marley - d'ailleurs quand j'étais gamin, on m'appelait Bob - et je voulais une musique qui soit festive pour faire passer mon message».
Sur une chanson de son album, Darius Rourou a invité les enfants du centre d'accueil parascolaire «Mikado» aux Acacias, où il a travaillé comme animateur. Le chanteur aime passer du temps avec les gosses: «Les jeunes de Neuchâtel, ce sont eux qui m'ont créé ici. Les jeunes, c'est ma vie». / SAB
«Le rebelle», Darius Rourou. Info sur internet: www.dariusrourou.com ou www.reggae-suisse.com