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L'amoureuse pyromane

La cinéaste française Claire Simon attise le feu d'une passion adolescente sur fond d'incendies varois. Entretien avec une réalisatrice qui n'a pas peur des sentiments et qui livre un grand mélodrame social

08 déc. 2006, 12:00

A l'origine de «Ça brûle», il y a un fait divers qui a eu lieu dans le Var, la région où vous avez passé votre enfance

Claire Simon: Pas vraiment un fait divers, plutôt une rumeur! La canicule qui a sévi pendant l'été 2003 a causé un grand nombre d'incendies dans le Var. Certains ont été très spectaculaires, dramatiques. Comme les flammes, les rumeurs se sont très vite propagées. C'est classique! Parmi toutes celles qui ont circulé, l'une m'a vraiment frappée. Elle accusait une jeune fille. Elle aurait bouté le feu pour attirer l'attention d'un pompier dont elle était amoureuse. L'idée qu'une jeune fille mette le feu pour une telle raison m'a complètement bouleversée! Très jeune, je m'étais une fois racontée une histoire comme ça, mais, chez moi, elle était restée à l'état de pensées

A partir de cette rumeur vous avez écrit un scénario qui reste très ancré dans le réel

C.S.: J'ai essayé de recréer des conditions et des enchaînements qui peuvent amener à commettre un tel acte. Le problème qui s'est alors posé et qui est un vrai problème de cinéma, c'était de raconter l'acte en lui laissant sa part de mystère, d'impensé. Pour ne pas tomber dans l'ornière de la psychologie, j'ai décidé de me concentrer uniquement sur le jour de cet acte. On est embarqué, il faut suivre le personnage, sans trop se poser de questions, s'en tenir à ce que l'on ressent et ne pas trop expliquer!

Justement, ce personnage semble habité par un sentiment de colère permanent qui excède toute psychologie

C.S.: C'est vrai, Livia est une jeune fille en colère. A 15 ans, on peut trouver toutes les raisons d'être en colère. Mais cela ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est que cette colère est là, prête à l'emploi. A l'âge de Livia, on trouve que le monde est invivable, que les parents sont nuls. Elle-même se trouve nulle, c'est ce qui l'énerve. C'est pour cela qu'elle aime monter à cheval. De parader ainsi, cela lui procure un sentiment de maîtrise, de puissance, de domination, surtout dans ce village où elle ne se sent pas acceptée Parfois, je ne suis pas loin de penser que le cheval représente une étape essentielle dans la vie sexuelle d'une jeune fille. Ce n'est pas un hasard si la Fédération française d'équitation compte près de 95% de cavalières parmi ses adhérents âgés de moins de 16 ans!

Vous vous êtes d'abord formée au documentaire. En passant à la fiction, vous en avez gardé certains principes?

C.S.: Pour moi, le cinéma, qu'il soit documentaire ou de fiction, doit exprimer la réalité. J'essaie toujours de garder cela à l'esprit. Les pompiers dans mon film sont presque tous de véritables pompiers. J'ai passé des jours et des jours à attendre que des feux de forêt se déclarent. Souvent, je suis arrivée trop tard. Je ne voulais pas d'effets spéciaux. Quand j'ai réussi à en filmer quelques-uns, je suis restée à distance. Je devais donner le point de vue de l'incendiaire, du pyromane qui regarde son oeuvre depuis loin, à l'abri. Des images comme celles-là sont absolument véridiques, mais on ne les verra jamais à la télévision! / VAD

Neuchâtel, Apollo 3; 1h50
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