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Inédite en français, la poésie de Remo Fasani exhale le minuscule

L'?uvre poétique, belle cousine du silence, de Remo Fasani vient d'être traduite pour la première fois en français. Longtemps professeur de littérature italienne à l'Université de Neuchâtel, on découvre la pudeur de son verbe. La poésie reste du domaine de la confidence, du murmure, du secret. Mais comment expliquer que l'?uvre de Remo Fasani soit restée en langue française si longtemps dans l'oubli? «C'est un peu de ma faute. J'aime la solitude, le thème fondamental de mon écriture reste le silence, alors que nous vivons dans le monde du bruit», sourit paisiblement Remo Fasani, ancien professeur de littérature italienne à l'Université de Neuchâtel, une ville où il réside toujours. Le recueil «L'éternité dans l'instant», réunit un choix d'?uvres de 1944 à 1999, un travail de traduction initié par Christian Viredaz, avant même de savoir si un éditeur allait s'intéresser à l'aventure. Si certains regrettent que l'ouvrage ne soit pas bilingue Remo Fasani précise: «Nous avons voulu y insérer le plus de textes possibles en français, témoins de périodes différentes, le traducteur a tenu compte de toutes mes propositions.» L'auteur se réjouit aussi du soin déployé par les éditions genevoises Samizdat dans la confection de l'ouvrage.

07 mai 2008, 12:00

Lire Fasani, comme on s'approche avec pudeur du verbe, le frisson vient du minuscule, l'observateur reste à l'arrière, comme dissimulé. En 1944, il écrit dans un extrait du «Sentiment de l'exil»: «Déjà le vent qui donne le vertige /fait tournoyer les feuilles aux carreaux /et frissonner le jour. /Et puis il fait tomber la nuit des monts /dense de souvenirs et de présages /et met la mer au c?ur. /Et la mort ressurgit dans son cri.» Le dernier texte de 1999, tiré du recueil «A Sils Maria dans le monde», n'inverse pas la perspective, il la décale avec douceur: «Et voici pendant que j'écris /mes poésies devant la fenêtre, /comme pour faire halte, pour souffler un peu, /je lève la tête et je vois, /sur le rideau, un moucheron /immobile, prisonnier de la mort.»

Dans sa préface, Philippe Jaccottet autre mage modeste de l'intangible, définit Fasani comme «poète d'une sorte de blancheur, ou de vide qui contient toute la densité de l'être au monde comme un beau fruit.» De sa rencontre avec l'auteur de «La Semaison», Fasani explique avoir été étonné en lisant «E, tuttavia» une traduction de Fabio Pusterla, «de découvrir des rêves très semblables à ceux de mon dernier livre «Sogni». Pusterla fait suivre les textes de Fasani à Jaccottet. Ce dernier répond, s'engage alors une correspondance affectueuse.

L'observation, la nuance, le souffle sur l'interstice nous renvoie à Angélus Silesius, mystique allemand du 17e siècle à la concision épineuse et épanouie. On pense aussi à Robert Walser pour la captation microscopique du temps qui passe. Fasani semble toujours poser les mots avec douceur, comme un liquide glisse sur un galet: «Il pleut. C'est une pluie lente, /égale, sans vent, /qui voile à peine le paysage, /une descente silencieuse, /sauf une goutte qui la scande /sur le rebord de la fenêtre.»

De sa pratique plus ou moins quotidienne de l'écriture il confesse: «Il faut rester vigilant, à l'écoute, même si on n'écrit pas toujours un poème, on conserve l'image pour le bon moment.» L'enfance, le goût des arts, l'escalade, le refus de l'ordinateur, l'âme de Bouddha se laissent porter par le regard tendre de Fasani. Il semble écosser ses thèmes. / ACA

«L?éternité dans l?instant», de Remo Fasani, éditions Samizdat, 2008 Université de Neuchâtel, faculté des lettres, salle RN02, jeudi 8 mai, à 18 heures, présentation du recueil et lectures
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