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Hommage à André Oppel, amoureux pudique de l'exigence artistique

Fondateur du Centre culturel neuchâtelois, André Oppel s'en est allé. Sa voix caverneuse, ses choix rigoureux et son humour resteront gravés dans la mémoire des amoureux de théâtre et de jazz. Son humour décapant et son anticonformisme reviennent dès que l'on évoque André Oppel. Cet infatigable défenseur d'une culture exigeante s'est éteint jeudi soir. Né en 1928, ce graphiste de formation a fondé et dirigé le Centre culturel neuchâtelois (CCN) pendant une trentaine d'années.

16 août 2008, 12:00

Jean-Marc Schenker, qui reprit le flambeau du CCN après treize années de collaboration, se souvient de sa première rencontre à 16 ans: «Grosse voix, grosses lunettes. On n'avait pas un rond, on traînait dans le foyer, il venait nous chercher et nous faisait entrer par-derrière.» Un homme populaire qui réalisait souvent de bons scores politiques. Lui qui fut conseiller général de la Ville de Neuchâtel et député au Grand Conseil pendant vingt ans, même s'il ne faisait jamais de concessions: «Il ne supportait pas l'humour sous la ceinture, ni la médiocrité. Il pouvait vexer, choquer certains artistes, mais tous sont revenus», confie Yves Baudin, directeur du théâtre de la Poudrière, qui visionna de nombreux spectacles avec celui que l'on surnommait affectueusement «Mulot», depuis son service militaire. Lorsqu'on téléphonait au CCN, la voix caverneuse répondait «la culture» et n'acceptait pas les diktats de la rue. Celui qui aimait lire, même Alphonse Allais en public, tombait aussi amoureux du grain des autres, celui de son ami Laurent Terzieff, avant tout.

André Oppel suivait ses intuitions, ses coups de c?ur. Ainsi la compagnie Jérôme Deschamps, la chorégraphe Carlotta Ikeda ou le comédien Jacques Gamblin, aimaient l'ambiance du théâtre de poche, bien avant de connaître un succès international. Mais il détestait le people, les paillettes, pas question de sortir le tapis rouge: «Les artistes venaient manger des pizzas à La Casa d'Italia à deux heures du matin», rappelle Jean-Marc Schenker. L'homme aimait aussi les belles voitures et écoutait un moteur V8 comme une petite symphonie.

De sa formation aux Beaux-Arts de Zurich, il gardait un goût de l'épure, du dépouillement en héritier du Bauhaus, même s'il était également un grand collectionneur. L'Association suisse des théâtres de poche qu'il présida utilise toujours un visuel d'André Oppel: «Un logo très giacomettien», précise Mathieu Menghini, directeur du Forum Meyrin. Si l'affiche d'un spectacle lui déplaisait, il disait à son équipe: «A fuir de toute urgence!» Malgré sa distance, sa pudeur, il restait toujours à l'écoute de l'autre: «Il se souciait de nous avec ses mots, il me demandait comment allaient mes miteux. Quand il faisait beau le vendredi à quatre heures, il nous disait «foutez le camp, je garde la baraque», explique Jean-Luc Charpillod, administrateur du CCN. Son amour du jazz semblait aussi légendaire. Il fit notamment venir le pianiste Abdullah Ibrahim plusieurs fois à la Cité universitaire. «Même quand Tom Waits changeait de genre musical, il le reconnaissait tout de suite», se souvient Alain Micaleff, ancien régisseur du CCN. Dans l'actualité, Jean-Marc Schenker se souvient d'une expo qu'il avait organisée en 1967 sur la République démocratique de Chine «avec des masses de drapeaux rouges sur les montagnes. André écoutait même nos délires d'ultramaoïstes», sourit-il. On découvrira bientôt le projet artistique qu'il avait conçu pour le Mycorama de Cernier avec sa compagne Zully Salas.

Hélas, on n'entendra plus son «salut la presse poétique!» / ACA

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