Grève des femmes: 28 ans pour quoi?

En 1991, j’ai participé à cette grève. Vingt-huit ans plus tard, qu’a-t-elle changé dans la vie des femmes? L’éditorial de Sophie Winteler, rédactrice en chef adjointe d’ArcInfo.

14 juin 2019, 07:09
Portraits SNP    Neuchatel, 10 01 2018  Photo : © David Marchon

Le 14 juin 1991, 500’000 femmes étaient descendues dans les rues de Suisse. Et moi, et moi, et moi… Une parmi cette foule fuchsia. Toutes les journalistes de l’ATS à Berne s’étaient mobilisées. Banderoles aux murs extérieurs de l’agence de presse, nos collègues masculins applaudissant aux fenêtres, nous étions parties manifester sur la place fédérale.

Reste le souvenir d’une grande kermesse bon enfant baignée de soleil, repas canadien compris. Et ce sentiment, important, que nous «y étions». Et depuis?

Le fuchsia a viré au violet! Anecdotique. Comme les avancées en matière de parité et pour améliorer les droits des femmes ces 28 dernières années? Florilège: si l’égalité entre femmes et hommes est inscrite dans la Constitution depuis 1981, la loi fédérale n’a été instaurée qu’en 1996. L’égalité salariale? On en parle beaucoup, elle s’améliore mais à coups de labels et bientôt de contrôles obligatoires au sein des entreprises de plus de 100 personnes. Soit pour 0,9% des sociétés et 46% des travailleurs, apprentis non compris!

L’avortement a finalement été décriminalisé en 2002 et de plus en plus de femmes sont cheffes. Après une naissance au forceps qui aura duré près de 60 ans, le congé maternité de 14 semaines a vu le jour en 2005. Un pendant pour les hommes de deux à quatre semaines? Les discussions promettent d’être virulentes jeudi prochain au Conseil des Etats. Précurseur, le canton de Neuchâtel se montre lui généreux avec ses mâles fonctionnaires: ils ont 20 jours depuis mai dernier.

Alors oui, des décisions se prennent, des lois se votent pour tendre à gommer les inégalités de genre, pour mieux accompagner les familles et bannir la violence faite aux femmes. Mais après combien de couleuvres à avaler, d’épée de Damoclès sur l’augmentation de l’âge de la retraite par exemple et de montagnes de classeurs fédéraux remplis de motions, postulats et initiatives en tout genre bonnes à freiner les élans.

Des combats, les femmes continueront à en mener. Et sans doute aucun, toujours plus main dans la main avec les hommes. Car un monde et une éducation moins genrés doit se façonner durablement. Car la prise de conscience collective #MeToo, avec cette idée planétaire que les femmes peuvent s’unir derrière une cause, donne des ailes. Elle a sans doute rendu possible cette grève.

Et si un million de personnes se disaient, ce 14 juin 2019, «on y était», «on l’a faite»?

Le regard de Véronique Ben Rabah

Le point de vue d’Eglantine Jamet

La vision d’Anne Bisang

L’avis de Jo Gutknecht

Les observations de Caro