Rencontré à Bienne, dans le cadre du Festival du film français d'Helvétie, où son film était présenté en grande première, le réalisateur Philippe Calderon précise d'emblée l'enjeu: «Les fourmis magnans sont carnivores et ne fonctionnent que par l'agression. Les termites sont végétariens et ont pour unique moyen de se défendre la construction. C'est donc un choc entre deux systèmes complètement différents, j'allais presque dire entre deux civilisations». Le cinéaste se plaît à brouiller les pistes. Plutôt que de documentaire, il préfère parler de fiction animalière, «réaliste sur le plan des comportements, mais fictionnelle dans la mise en scène».
Tourné dans une région de savane du sud-est du Burkina Faso, «La citadelle assiégée» est introduite par la voix off d'un conteur. Le drame qui va se jouer est annoncé par un vautour de mauvais augure. De manière très manifeste, Calderon a choisi le ton de la fable, il n'a pas peur d'un lyrisme digne d'une tragédie grecque: «Les héros des tragédies antiques n'ont pas le choix. Ils sont animés par des pulsions qui les dépassent. Les insectes sont pareils, à la différence qu'ils agissent par automatisme chimique. Au début du film, un enchaînement de circonstances rend tout à coup la termitière très vulnérable. Même si, dans la nature, la foudre peut tomber sur un arbre à tout moment, c'est quand même du scénario». Partant, le spectateur est convié à vivre «comme s'il y était» une terrible course contre la montre, où les termites s'efforcent de reboucher tous les trous avant que leurs ennemis les aient complètement boulottés!
Bien sûr, il a fallu considérablement tricher pour réussir cette gageure. Avec l'aide du directeur animalier Patrick Bleuzen (lire l'encadré), Calderon a joué du trucage de façon très efficace. «Nous avons tourné sur deux plateaux différents. Le premier, en extérieur, avec une véritable termitière. Le second dans une grande villa, que nous avons utilisée comme studio, où nous avons reconstitué toutes les galeries intérieures» A la question de savoir s'il ne sentait pas coupable d'être à l'origine d'un massacre pour le moins impressionnant, Calderon ne s'est pas défilé. «Il ne faut pas être angélique, ce genre de film catastrophe a lieu quotidiennement en Afrique. Comme l'ont relevé des entomologistes très sérieux, nous avons pu ainsi apprendre beaucoup sur le comportement des insectes!»
Tant pis pour les petites bêtes! / VAD
Neuchâtel, Bio; 1h22