Ce qui signifie, à l'échelle du temps géologique, que les deux événements se sont produits au même moment.
«Ces éruptions, et leur intensité, étaient connues», explique le scientifique neuchâtelois, chercheur à l'Institut de géologie et hydrogéologie. «En revanche, leur datation n'était pas très précise, puisque la fourchette s'élevait à environ 600 000 ans. Désormais, nous savons que ces éruptions se confondent avec ce que nous appelons la crise Crétacé-Tertiaire.» Autrement dit, la période charnière qui correspond à la disparition des dinosaures et de nombreuses autres formes de vie.
La découverte des deux chercheurs est en train de faire le tour du monde - scientifique s'entend -, puisqu'elle vient nourrir la théorie selon laquelle il n'y aurait pas une seule cause à la disparition des dinosaures, mais plusieurs. «Je suis plutôt d'accord avec l'idée que l'impact d'une ou de plusieurs météorites a projeté dans l'atmosphère une telle quantité de débris que la vie des dinosaures en est devenue difficile. Mais il faut savoir que les éruptions volcaniques sur lesquelles nous travaillons ont provoqué des émanations de gaz six fois plus grandes que celles engendrées par la ou les météorites...»
Or, qui dit énormes émanations de gaz toxiques dit pluies acides, assombrissement de l'atmosphère, disparition de la végétation... «Les astronomes, qui ne connaissent généralement pas grand-chose à la paléontologie (réd: science qui étudie les restes fossiles des êtres vivants) aiment bien la thèse de la météorite. Ils oublient que les dinosaures ne sont pas la seule espèce à avoir disparu de la surface de la Terre tout au long des temps géologiques. Il y a eu quatre autres extinctions comparables, avec, à chaque fois, des causes diverses. Sans compter que la disparition des dinosaures est intervenue après un autre phénomène important: un refroidissement de la planète qui a affaibli la biosphère.»
Concrètement, Thierry Adatte et Gerta Keller ont découvert des sédiments marins contenant des microfossiles (fossiles de planctons) grâce auxquels ils sont parvenus à mieux dater les éruptions qui sont à l'origine du plateau du Deccan. Microfossiles, mais maxi-éruptions: «Les piles de laves font jusqu'à la hauteur du Cervin.» Le géologue neuchâtelois et la paléontologue américaine ont présenté le fruit de leurs recherches début novembre lors du congrès annuel de la Société géologique américaine, à Denver (Colorado). /PHO