La mission archéologique suisse à Kerma dirigée depuis 2002 par le professeur Matthieu Honegger de l’Université de Neuchâtel a découvert cet hiver la plus ancienne tombe royale de Nubie et de l'Afrique sub-saharienne. Datée de 2050 av. J.-C., elle est composée d'une architecture en bois, d'un vaste tumulus et d'un agencement de près de 1400 crânes de vaches, des éléments qui, pour la première fois, permettent de comprendre le déroulement des funérailles royales de cette société.
Depuis 2008, un programme de recherche sur les origines du royaume de Kerma (2500-1500 av. J.-C.) se concentre sur les premières étapes de son cimetière royal, situé à 4 km à l'est de sa capitale, où plus de 400 tombes ont été fouillées. Durant le mois de janvier, une surface particulièrement bien conservée a été mise au jour avec 17 sépultures (2100-2050 av. J.-C.) relativement peu pillées.
Tombe intacte d'un archer de 18 ans
« Ces vestiges sont rares, car ces tombes étaient habituellement détruites à l'époque antique par des voleurs à la recherche des objets en or et en bronze qu'elles contenaient", explique Matthieu Honegger. "C’est ainsi qu’une tombe intacte d'un jeune archer de 18 ans a été dégagée et prélevée délicatement en vue de sa présentation future au public. »
« La tombe était entièrement pillée et plus aucun objet n'a été retrouvé en place", poursuit l’archéologue de l’Université de Neuchâtel. "Elle contenait au moins 120 céramiques parfois richement décorées disposées en surface à côté du tumulus ou directement dans la fosse où se trouvait la dépouille royale, accompagnée probablement de moutons sacrifiés et de morts d'accompagnement. »
L'intérieur de la fosse a révélé une architecture en bois inédite qui montre que sa moitié orientale était dotée d'une toiture recouvrant la chambre du mort, lui-même exposé sur un lit en bois à six pieds. L'autre moitié de la sépulture est longtemps restée à l'air libre comme l'indique son sol exposé régulièrement à la pluie.
Rivaux de l'Egypte
Le royaume de Kerma est considéré comme le premier royaume d'Afrique sub-saharienne et s'est imposé comme le principal rival de l'Empire égyptien. Il s'agit d'un symbole pour un continent en mal de repères sur les fondements de sa civilisation. Ce royaume s'est développé en dominant les autres tribus alentours et en s'imposant comme seul interlocuteur face à l'Empire égyptien et son lucratif commerce qu'il développa pour s'approvisionner en matériaux précieux venant d'Afrique centrale et transitant par Kerma (or, ivoire, ébène, encens, bétail, etc.).
A son apogée, Kerma contrôlait plus de 1000 kilomètres de la vallée du Nil entre la 2e et la 5e cataracte. Société guerrière, célèbre pour la dextérité de ses archers, le royaume représentait une véritable menace pour l'Empire égyptien.
La mission archéologique suisse à Kerma, dont le siège est à l'Institut d'archéologie de l'Université de Neuchâtel, est soutenue par la Confédération suisse (SEFRI, FNS, DFAE), par la Fondation Kerma et par d'autres fonds, l'un provenant actuellement du Qatar.
Suite à une initiative locale, un musée d'archéologie a été créé à Kerma en 2008 à côté de la capitale du royaume antique. L’équipe de Matthieu Honegger en a assuré la muséographie, financée par la Suisse. Il s'agit d'un lieu de rencontre sans discrimination de sexe, d'âge, de confession ou d'ethnie, dont la fréquentation est de 35'000 personnes par année (dont 1200 touristes étrangers).