Déborah Barthe Müller: «Il m’est arrivé d’avoir des crises d’angoisse»

Des tremblements dans la voix trahissent son émotion. Déborah Barthe Müller, 32 ans, est profondément inquiète. Inquiète de l’avenir de notre planète, de l’héritage que nous laisserons aux prochaines générations.

Un sentiment qui s’est encore accentué ces derniers mois, face à des événements toujours plus marquants: inondations monstres à Cressier, dôme de chaleur en Amérique du Nord, feux de forêts au Sud de l’Europe. «Il m’est arrivé d’avoir des crises d’angoisse cet été», confie-t-elle. «Pour ne pas m’infliger trop de souffrances, je reste par moments dans ma bulle d’insouciance, coupée des informations.»

Déborah Barthe Müller photographiée près de chez elle à Neuchâtel. Photo: Lucas Vuitel

Craintes pour sa fille

La naissance de sa fille, Naëlle, en janvier 2021, est venue renforcer ses préoccupations.

«Je ne sais même pas si l’air sera encore respirable, si des conflits éclateront ou si elle aura encore accès facilement à l’eau quand elle aura 30 ans. 2050, c’est demain, et je n’ai pas l’impression que des mesures suffisamment concrètes soient prises.»

«Si je n’avais pas toujours eu la volonté intime d’avoir des enfants, je me serais sérieusement posé la question. Plusieurs de mes amies m’ont dit qu’elles ne voulaient pas en avoir pour cette raison», livre la jeune maman installée à Neuchâtel.

Si on déclarait l’urgence climatique, cela montrerait qu’il y a une prise de conscience collective du problème.

Déborah Barthe Müller

«Prête à faire bien plus de sacrifices»

Pour lâcher prise, Déborah Barthe Müller a fait appel aux services d’une kinésiologue. Un métier qu’elle souhaite désormais elle-même pratiquer. Cette économiste d’entreprise a commencé une formation cette année, «afin de faire du bien à mon échelle.»

Le dérèglement climatique a également bousculé ses habitudes. Avec son mari Michaël, ils ont décidé de réduire leur empreinte écologique autant qu’ils le pouvaient.

«Nous ne prenons plus l’avion, consommons bio ou local, misons sur la deuxième main, réduisons nos déchets au maximum et privilégions les transports publics. Nous essayons aussi de sensibiliser notre entourage, en proposant nos trucs et astuces», raconte Déborah Barthe Müller. «Je suis prête à faire bien plus de sacrifices s’il le fallait», soutient la Jurassienne d'origine.

Nécessité d’un changement global

«Quand je vois que certaines personnes intelligentes ne sont pas atteintes du tout, ça me fait peur. Je crains qu’il soit trop tard une fois qu’on aura vraiment réagi.»

Qu’est-ce qui pourrait l’apaiser? «Si on déclarait l’urgence climatique. Cela montrerait qu’il y a une prise de conscience collective du problème. Le climat serait ainsi davantage pris en compte dans les prises de décisions. Les gens font plein de choses à leur niveau, mais cela ne suffit malheureusement pas sans un changement global.»

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Pauline Gueissaz: «C’est comme si on m’avait mis la corde au cou»

Pauline Gueissaz photographiée dans le village de Sornetan, dans le Jura bernois. Photo: Muriel Antille

«Ça me tourmentait. J’étais tétanisée à l’idée de ce que je voyais arriver. J’avais peur de disparaître, d’être réduite à quelque chose de lâche, parce que l’on n’a pas eu l’audace de se lever et d’agir.»

Le dérèglement climatique a bouleversé la vie de Pauline Gueissaz, 19 ans. La jeune femme originaire de Sornetan, dans le Jura bernois, a fait un choix radical il y a un peu plus de deux ans en arrêtant ses études à l’Ecole d’arts appliqués de La Chaux-de-Fonds.

«Je pleurais des océans et des océans»

«J’ai toujours eu une sorte d’intuition, comme une démangeaison, qui me disait que quelque chose ne fonctionnait pas dans ce monde. Je ne me sentais pas à ma place en restant à écouter sur un banc d’école, en continuant comme si de rien n’était», raconte-t-elle.

Deux ans et demi après le début de ses études, c’est la descente aux enfers. «Je n’arrivais plus à me lever, je pleurais tout le temps, des océans et des océans. J’ai fait une dépression et j’ai bien morflé. C’est comme si on m’avait mis la corde au cou, et que je n’avais qu’à attendre ma mort. Si je ne faisais rien, je l’acceptais.» Son médecin l’arrête «pour qu’elle ne s’use pas jusqu’à la moelle». La jeune femme ne retournera plus jamais en cours.

J’ai dû faire le deuil de l’ancien monde qui va possiblement s’effondrer.

Pauline Gueissaz

«La force de déplacer des montagnes»

«J’ai dû faire le deuil de l’ancien monde qui va possiblement s’effondrer.» Colère, tristesse, angoisse, elle passe par tous les états d’âme. «A un moment, j’en ai voulu aux baby-boomers, que je pensais fous de nous avoir laissés dans une situation pareille.»

Pendant une année, Pauline Gueissaz s’engage massivement pour la cause climatique, notamment avec le mouvement de la Grève du climat. «J’étais tellement convaincue de ce que j’avançais que j’avais l’impression d’avoir la force de déplacer des montagnes.»

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«Comme si j’avais remis les compteurs à zéro»

Puis, elle prend ses distances, se recentre sur elle. «J’en avais marre de la vision manichéenne du monde, de dire ce qui est bien ou mal. Que des camps s’opposent de manière dogmatique.»

Sa rencontre avec son compagnon Igor a beaucoup compté. «Il m’a appris à avoir l’audace de sortir des clous, à requestionner ma vision du monde.» Elle trace sa route et vit désormais de l’argent qu’elle perçoit d’emplois par intérim.

Je crois qu’une des solutions c’est seulement d’être soi-même, de s’écouter et de se concentrer sur que l’on a vraiment besoin et qui nous rend heureux.

Pauline Gueissaz

«Etre soi-même»

«Il ne s’agit pas d'oublier le réchauffement climatique, mais d’apprendre à vivre avec. C’est comme si j’avais remis les compteurs à zéro. Je me concentre désormais sur ce qui essentiel pour moi, pour me construire et avancer», soutient Pauline Gueissaz.

«Je crois qu’une des solutions c’est seulement d’être soi-même, de s’écouter et de se concentrer sur ce dont on a vraiment besoin et qui nous rend heureux. On se rend alors compte qu’il n’y a pas besoin de tant d’artifices, d’une grosse voiture ou d’autant de matériel. Juste de chaleur humaine, d’échanges, de vérité et de dire ce qu’on a sur le cœur.»

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Photo: Muriel Antille

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