Directeur de l'entreprise Workinclass, établie à Neuchâtel, Gianni Melis est fâché et tient à le faire savoir. Il estime tout à fait déplacée l'attitude de la voirie, qui n'a pas donné la préférence, lors de sa dernière commande de vêtements de travail, à une société locale, lui préférant un groupe alémanique.
«Ceci va me contraindre à licencier un collaborateur», déplore-t-il, s'étonnant qu'une collectivité publique ne joue pas la carte de la région: «Cela nous fait perdre entre 30.000 et 40.000 francs de chiffre d'affaires. Sans parler des stocks de vêtements que nous avons été contraints de faire pour pouvoir répondre rapidement au renouvellement des équipements, et qui vont me rester sur les bras.»
Le patron de l'entreprise neuchâteloise, qui se dit «choqué de la façon dont nous avons été traités», est d'autant plus amer qu'il n'a pas été averti que plusieurs entreprises avaient été sollicitées. «Si on m'avait averti de l'existence d'offres concurrentes moins chères, nous aurions pu en discuter et certainement faire un effort pour nous aligner. C'est une pratique tout à fait courante dans le monde des affaires.»
A la Ville de Neuchâtel, l'ingénieur communal Antoine Benacloche note de son côté avoir respecté à la lettre la loi cantonale sur les marchés publics: «Nous n'avons pas le choix: la loi règle dans le détail la manière dont une collectivité doit procéder lorsqu'elle passe commande. Et même si je peux comprendre la déception de Monsieur Melis, la loi nous interdit de favoriser une entreprise locale.»
La loi? Elle dit que pour une offre d'un montant inférieur à 100.000 francs, c'est une procédure de gré à gré qui s'applique (il n'y a donc pas de soumission publique, laquelle est réservée à de plus gros montants) et que deux offres au moins doivent être demandées. «Dans ce cas précis, nous en avons sollicité cinq. Et celle que nous avons retenue, à qualité égale avec celle de Workinclass, était de 5 à 6% moins chère. Comme l'impose la loi, nous avons retenu l'offre économiquement la plus avantageuse.»
Renégocier le prix après coup? «C'est parfaitement interdit!, répond Antoine Benacloche. Les autres entreprises auraient pu, avec raison, recourir contre nous.» Et de répéter que la loi est claire. «Le critère de domiciliation ne peut pas être pris en compte dans l'attribution d'un marché.»
Gianni Melis n'est pas vraiment convaincu par la réponse de la Ville, reçue à la mi-août, et demeure persuadé que les pouvoirs publics ne collaborent pas efficacement avec les entreprises de la place. D'ailleurs, il pense très sérieusement à déplacer le siège de sa société, fondée en 1996 sous le nom d'ECW Wear, dans un autre canton (plusieurs cantons se sont déjà manifestés) vu le peu d'intérêt que les pouvoirs publics, estime-t-il, portent à son activité: «Je n'ai jamais été contacté, ni par la Ville ni par le canton, pour savoir si, en tant qu'entrepreneur, j'avais des besoins ou des souhaits en particulier, regrette le Neuchâtelois. Et lorsque je me suis approché de la ville pour savoir, dans le cadre d'une éventuelle extension d'activités, si des locaux étaient disponibles, on s'est contenté de m'indiquer qu'une liste des locaux vacants était disponible sur internet... Vous appelez ça un service?» / FRK