A ce jour, Paul a suivi une douzaine de séances auprès de l?association BastA (lire encadré ci-dessous).
C?est difficile de se résoudre à consulter? Paul: Il m?a fallu moins de 24 heures pour me décider. Ma femme ne m?a plus laissé le choix... Comme je ne savais pas où m?adresser, j?ai fait des recherches sur internet et je suis tombé sur la Fondation neuchâteloise pour la coordination de l?action sociale (FAS) (voir encadré ci-dessous). Là, on m?a dit que le service auteurs n?était pas encore opérationnel, sans même me réorienter ailleurs!
Auparavant, vous vous étiez confié à quelqu?un, un ami par exemple, à propos de vos violences? P.: Jamais. La seule personne qui était au courant, en dehors de la cellule familiale, c?était ma belle-mère. A mon avis, en parler à des amis ne change rien. La seule chose à faire, c?est consulter. En prenant le premier rendez-vous, on a déjà fait un bout du travail.
Sentez-vous une évolution depuis le début de la thérapie? P.: Absolument, c?est de l?eau et du vin. La thérapie permet d?accéder aux émotions, aux frustrations et de rechercher des alternatives. Même si, parfois, il y a des rechutes... Je ne pensais pas progresser si vite. Mais le but ultime, c?est moins la rapidité des progrès que de réussir à maintenir le cap.
Comment viviez-vous la situation antérieure? P.: Je la vivais mal, sans pour autant me l?avouer. J?étais sous tension en permanence, chaque jour. Mais la violence n?était pas quotidienne. C?était horrible... Ma femme en souffrait évidemment, et moi je me sentais très coupable, sans réussir à changer. Quand on n?a plus la maîtrise de soi-même, on devient encore plus violent! C?était un cercle vicieux.
Vous arrivez à comprendre pourquoi vous en arriviez là? P.: Je trouve très difficile de disséquer un acte de violence, car beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. Je n?ai pas encore assez de recul. Mais j?ai pu identifier un élément déterminant: je voulais toujours garder l?autorité jusqu?au bout. Je n?ai jamais été un suiveur, j?étais toujours le décideur...
Avec mes enfants, j?ai des regrets, des sentiments de culpabilité, parce que je les ai baffés de manière excessive... La peur les rendait obéissants, mais ce n?est pas une obéissance très saine. Par contre, je ne m?en suis jamais directement pris à ma femme, c?était plutôt autour d?elle. Je lançais, je cassais des choses à proximité. Elle a fini par se taire, laisser faire. Il n?y avait pas un perdant, mais deux.
Comment travaillez-vous à gérer vos pulsions? P.: Je tiens un carnet où je note chaque jour mes émotions. Tout est consigné, les progrès et les rechutes ? il m?arrive malheureusement encore de déraper... Là je me dis: merde, je redeviens coupable! Je relis ces notes régulièrement, ce qui permet de me confronter aux moments difficiles et m?évite de les glisser sous le tapis. Le carnet met aussi en évidence les progrès accomplis et permet de mesurer le chemin parcouru.
A présent, la situation est relativement bonne, calme. Mes relations avec ma femme et mes enfants ont changé: avant je voulais toujours avoir le dernier mot; j?étais incapable de formuler mes émotions, ce qui se soldait par des dérapages agressifs... Apprendre à communiquer a été déterminant. Ma femme et moi prenons chaque soir cinq minutes pour nous exprimer à tour de rôle, sans juger l?autre. Nous avons rétabli le dialogue.
Selon vous, y a-t-il suffisamment de campagnes pour lutter contre la violence domestique? P.: La question à poser, c?est: existe-t-il des campagnes dans ce domaine? Comparé au sida, à l?alcool ou à la drogue, on ne voit pas grand-chose sur la violence domestique! Donner des informations aux agresseurs serait très utile. En leur disant qu?on peut s?en sortir, on pourrait en inciter davantage à entreprendre un suivi. C?est d?autant plus important pour les pères, sinon leurs enfants risquent à leur tour de devenir violents avec leurs propres gosses... Il faut que dans ces familles quelqu?un décide une fois pour toutes d?en finir avec cette chaîne des agressions!
La sensibilisation à l?école déjà, une idée à creuser? P.: Pour avoir subi la violence durant mon enfance dans le cercle familial, je dirais qu?une information pourrait être utile à l?école pour les jeunes qui y sont confrontés. Si j?avais été sensibilisé à ce problème à l?adolescence, cela m?aurait aidé à comprendre que ce qui se passait à la maison n?était pas correct; que ce dont j?ai vécu durant mon enfance n?était pas un modèle à suivre... / BRE