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Bouleversante Butterfly

La troupe britannique de Diva Opéra donnait hier soir dans la petite salle du Passage «Madame Butterfly» de Puccini, dans une version de concert. Un très grand moment d'émotion, des musiciens magnifiques La geisha prend le temps de se recueillir devant un autel avant de se trancher la gorge calmement avec l'épée de son père. Ce dénouement, peut-être le plus tragique de Puccini, pourtant expert en la matière, dévoile la complexité de cette héroïne ô combien bouleversante. Cette première suisse du «Madame Butterfly» de Diva Opéra, donnée dimanche au théâtre du Passage, à Neuchâtel, sera suivie de deux autres représentations à voir absolument.

12 déc. 2006, 12:00

Atteignant au paroxysme des passions d'une amoureuse comblée puis trahie, la ligne vocale garde cependant toujours une noblesse et une maîtrise de soi tout orientale et fait de la malheureuse victime de ce drame l'une des âmes les plus belles du répertoire.

Maison en papier et cerisier en fleur

Melinda Hughes incarne en plénitude Cio-cio-san, alias Madame Butterfly, qui épouse à la fin du XIXe siècle Pinkerton, un officier américain souhaitant se distraire alors qu'il est déjà marié et qui découvre la vérité à son retour trois ans plus tard, alors qu'elle lui est restée fidèle et lui a donné un fils.

Après l'avoir vue sur scène, il devient impossible d'imaginer une autre artiste pour ce rôle. Elle est Butterfly. C'est elle qui passe de la colère au pardon; elle qui se présente d'abord dans la rigueur somptueuse de son kimono, d'un chignon impeccable et d'une contenance douce et soumise, puis paraîtra hagarde et la chevelure dénouée et rebelle, extatique aux regards fous; elle qui s'abandonne ou fait acte de violence; elle, veilleuse fidèle dans la nuit; elle, toujours souveraine, toujours vraie, toujours bouleversante. Et c'est de fait un peu nous aussi qui épousons ce destin cruel par la force d'identification du genre tragique, que Puccini a transposé à l'opéra avec un art sans doute inégalé.

La mise en scène de Wayne Morris est pour beaucoup dans la force expressive de l'oeuvre. L'étroitesse de la scène de la petite salle du Passage implique une action et un décor d'une densité extrême. Le décor tient en une merveilleuse maison en papier japonaise jouxtée d'un cerisier en fleur. Les voiles de papier coulissant sur ses murs qui transforment l'espace en monde ouvert ou clos (avec le mystère entrevu dans leur transparence), rythment aussi le temps, soulignant des moments clés de l'oeuvre.

La musique de Puccini pour cet opéra est sans doute la plus riche et originale qu'il ait écrite, nourrie par de nombreux thèmes de chansons japonaises que le musicien traite avec fidélité et incorpore à son langage avec un naturel sidérant, lui ouvrant de nouvelles directions.

La complexité de l'écriture orchestrale nous place peut- être au seuil de ce qu'il est possible de traduire avec un piano seul et nous demeurons sous le choc de la perfection avec laquelle Bryan Evans relève le défi. Si l'oeuvre perd en richesse d'orchestration, elle y gagne en simplicité et en impressionnisme, soulignant son lien étonnant avec la musique de Debussy, avec ses demi-teintes, son pentatonisme, ses gammes par ton et sa rythmique exotique.

Cameron Rolls, dans la vibrante beauté de son ténor exceptionnel, qui fait quelque peu éclater les murs restreints du Passage, rend touchant le personnage sombre de Pinkerton. Et l'on salue David Stephenson, que l'on peine à reconnaître après l'avoir vu récemment en un Figaro plus que fou. Ici, consul américain grave et rempli d'empathie pour Butterfly, il est à nouveau magistral, tout en retenue.

En écho de Cio-cio-san, il manie avec le même art cette tension entre sentiments et pudeur qui fait toute la force de cette soirée. / ATR

A voir encore: Neuchâtel, théâtre du Passage, demain et vendredi 15 décembre, à 20 heures
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