L'étau se resserre autour des hooligans. Dès la prochaine saison de football et de hockey sur glace, il ne sera plus question de consommer de l'alcool dans et autour des enceintes où se dispute un match classé à haut risque, à l'exception des zones VIP. Les fans visiteurs devront en outre se déplacer grâce à des trains ou des bus spéciaux. Pour les rencontres où le danger est moindre, seuls des contrôles électroniques aux entrées viendront compléter le dispositif actuel, a annoncé hier à Berne la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP).
Ce plan de bataille fait suite à un débat de plusieurs années et à l'échec d'une table ronde sur la violence dans le sport, au cours de laquelle les clubs et les autorités n'avaient pas réussi à s'accorder. Adoptées vendredi dernier par l'assemblée de la conférence, les nouvelles mesures s'inscrivent dans le cadre d'un concordat intercantonal révisé en février 2012. Elles s'appliqueront dès juin 2013 pour les rencontres de première division se jouant dans les cantons ayant alors adhéré au concordat (Saint-Gall, Zurich, Lucerne et Neuchâtel notamment l'ont déjà adopté, sous réserve d'un délai référendaire).
Autorisation nécessaire
Principale modification annoncée: tous les matches seront soumis à autorisation. Avant le début de la saison, l'ensemble du calendrier du championnat sera passé en revue, les matches isolés (amicaux ou de coupe) étant analysés séparément. Les clubs devront présenter un concept de sécurité leur garantissant de pouvoir mettre sur pied des rencontres dont les autorités détermineront le degré de risque. Un match sera ainsi classé rouge (risque élevé), jaune (moyen) ou vert (faible).
Un premier coup de sonde auprès des acteurs concernés permet d'affirmer que chaque canton appliquera à sa manière le nouveau système. Et que c'est lorsqu'il s'agira de déterminer le degré de risque que tout va se jouer... Les matches "rouges" (sans alcool) ne devraient pas être légion. Du moins dans le canton de Fribourg, qui se prépare à adhérer au concordat et où le HC Gottéron est concerné.
"La conférence a adopté des recommandations, que l'on peut suivre ou pas", fait remarquer le conseiller d'Etat Erwin Jutzet. A Fribourg, des solutions à la carte seront trouvées entre Gottéron, les services d'Erwin Jutzet et le préfet de la Sarine. C'est probablement ce dernier qui décidera du degré de risque des rencontres. "Selon moi, il devrait y avoir le moins souvent possible de matches rouges. Un Gottéron-Berne, au vu du classement actuel, c'est jaune! Mais il ne faudra pas laisser des gens complètement soûls entrer dans la patinoire", prévient Erwin Jutzet.
Fribourg-Gottéron délivre le même son de cloche. "Si le canton adhère au concordat, cela ne veut pas dire que chaque mesure sera appliquée d'office", insiste le directeur général Raphaël Berger. "Actuellement, des spectateurs en état d'ébriété peuvent déjà être interdits de patinoire. Mais les faire sortir des tribunes, ça cause souvent plus de problèmes que de les y laisser."
Et dans le canton de Vaud? Un Lausanne-Servette à la Pontaise doit-il être classé rouge? Pour la ministre Jacqueline de Quattro, membre du comité de la CCDJP, "ce sont les autorités qui vont le décider, d'entente avec la police cantonale. Souvent, les risques sont déjà identifiés, mais la situation peut changer selon les résultats des équipes engagées".
Le président du Lausanne-Sport, Jean-François Collet, se montre plutôt compréhensif. "J'admettrais qu'on nous refuse un match qui risque de mettre la ville à feu et à sang." Il regrette toutefois qu' "on sanctionne 95% de spectateurs qui ne posent jamais problème à cause de 5% d'idiots".
Mesures mal accueillies
Les mesures adoptées par les cantons sont mal accueillies par les instances du football et du hockey sur glace helvétiques. L'Association suisse de football (ASF) et la Swiss Football League (SFL) estiment que les mesures répressives doivent viser seulement les fauteurs de troubles, et pas tous les spectateurs, ou uniquement le football et le hockey, ont-elles communiqué hier. La Fédération suisse de hockey sur glace partage les vues des instances du football. Son directeur du sport d'élite, Ueli Schwarz, interrogé par l'ATS, ne voit pas d'un bon oeil l'interdiction de l'alcool pour certains matches.
Jacqueline de Quattro a de la peine à accepter les réticences des associations sportives. "Je comprends que les clubs veuillent assurer l'ambiance dans les stades. Mais il faut aussi penser aux spectateurs qui s'y rendent sans nécessairement avoir envie de "boire" et "beugler"." La ministre vaudoise ne transigera pas: si un club rechigne à respecter les règles, tant pis pour lui. "Pas d'autorisation, pas de match!"