Alan Roura n’a que 29 ans, mais le Genevois d’origine établi à Lorient a déjà bouclé deux tours du monde à la voile en solitaire. Pour le prochain Vendée Globe, il ne veut plus se contenter de terminer cette épreuve (12e et 17e), il vise la victoire. Il s’est donné les moyens de ses ambitions en acquérant l’ancien bateau d’Alex Thomson (un monocoque volant avec deux foils) et il est soutenu dans cette aventure par une banque privée de Neuchâtel (Bonhôte). Présent ce mercredi 6 avril au chef-lieu, il raconte sa nouvelle aventure qui a vraiment débuté en matinée à Lorient, lors de la mise à l’eau de son bateau «Hublot».

Quel est le plus grand défi dans ce projet?

De pouvoir le lancer. La partie la plus facile est celle qui se passe sur l’eau. Avant, il faut parvenir à réaliser un montage financier et à former une équipe pour me soutenir. Nous n’avons pas le droit de dépasser notre budget (réd: 2 millions d’euros par an). Il s’agit d’anticiper tous les imprévus et les casses de matériel.

Quels autres métiers exercez-vous?

Je suis un chef d’entreprise et un rêveur. J’ai une équipe de huit personnes autour de moi et mon rôle est désormais de me concentrer sur la performance. Pour le reste, je dois accepter de déléguer. Si je gagne, ce sera en équipe.

C’est un peu comme rouler en 4L ou en Porsche.

Alan Roura, navigateur suisse

Le bateau d’Alex Thomson était très envié, comment avez-vous réussi à l’acquérir?

Nous étions en tractation depuis le mois de mai 2021. Nous avons réussi à trouver un mécène qui était d’accord d’acquérir ce bateau et de nous le mettre à disposition sous forme de location. Nous avons eu la chance de parvenir rapidement à un accord. En fait, le bateau en lui-même n’a pas vraiment de prix, les connaissances et l’expérience sont plus chères. Alex Thomson a été d’accord de nous accompagner un peu.

Quelles sensations procurent la navigation sur un tel bateau?

Par rapport à mon précédent bateau (réd: «La Fabrique» qui avait aussi des foils), la navigation est totalement différente. Je me retrouve sur un bateau volant. Le gain de vitesse est de 20 à 40%, c’est un peu comme rouler en 4L ou en Porsche, même si la 4L marchait bien.

La vitesse de ce bateau impose-t-elle un plus gros défi physique?

C’est plus facile et différent à la fois. Ici, tout se passe à l’intérieur du bateau. On doit effectuer beaucoup moins de manœuvres. Au final, c’est moins énergivore. Par contre, il faut être à l’écoute du bateau, qui est muni de 300 capteurs, en permanence. Le plus gros problème est de maîtriser la puissance afin de protéger le mât, qu’il faut préserver au maximum.

Vos pairs vous respectent, est-ce une fierté?

Oui. Quand je suis arrivé à Lorient il y a quelques années, je voyais tous ces grands noms de la voile comme Alain Gautier ou Armel Le Cléac’h et j’osais à peine les saluer. Aujourd’hui, on se fréquente tous les jours. Nous formons une espèce de bande de navigateurs au large. Tout le monde se respecte, même s’il a fallu du temps pour entrer dans cette sphère assez fermée.

Maintenant, les regards sur moi ont changé. Je serai attendu au tournant.

Alain Roura, navigateur suisse

Maintenant, les regards sur moi ont changé. Avant, je n’avais pas de pression. Cette fois, dès mes premières courses (réd: la première est prévue le 8 mai entre les Bermudes et Brest), je serai attendu au tournant.

Vous considérez-vous comme étant suisse?

J’ai quitté Genève à l’âge de 8 ans et j’ai grandi partout dans le monde entier. Mais je me considère comme un Genevois pure souche, même si je suis devenu un Lorientais d’adoption. En fait, presque tous les grands marins suisses habitent en Bretagne. C’est là que se passe la course au large.

Pourquoi cette volonté d’avoir des partenaires suisses pour ce projet?

J’ai envie de laisser la place aux Français en France où le marché des sponsors n’est pas très grand dans notre sport. Ma priorité est de conserver une identité suisse. Je ressens une grande fierté d’avoir pu mettre sur pied ce projet de cette façon et de représenter mon pays avec un bateau capable de terminer avec les meilleurs. Nous allons écrire une belle histoire pour aller chercher cette victoire.

Alan Roura veut «écrire une belle histoire pour aller chercher la victoire»

L’ambitieux projet du marin genevois pour le Vendée Globe 2024 passe par Neuchâtel. Soutenu par la banque Bonhôte, il veut conquérir «l’Everest des mers» à bord de son bateau supersonique.